[Concours " La chasse de nuit "] Sopwith Camel Comic - Eduard - 1/48

Bonjour à tous,

Nous allons nous partir il y a un peu plus d’un siècle aux origines de la chasse de nuit avec le Sopwith F1 Camel « Comic ».

Nous sommes au début du 20° siècle, l’aviation a à peine 20 ans, elle vient à peine de sortir de son rôle d’observation du champ de bataille que déjà on commence à réfléchir à l’utilisation de l’aéroplane pour larguer des bombes sur l’ennemi. Et les lecteurs convaincus par Douhet imaginent que faire la même chose sur les villes de l’ennemi (qui sont quand même bien plus facile à viser) découragera sa population et abrègera la guerre.
On n’a donc pas attendu « butcher » Harris pour que les bons apôtres du bombardement « stratégique » s’expriment dans les états-majors. Il leur faudra attendre 1942 pour donner leur pleine mesure, avec rasage de villes et massacres de populations civiles à grande échelle, mais l’expérimentation a commencé bien avant. Et on notera que l’absence quasi-totale de résultats des bombardements de villes constatée pendant la première guerre mondiale ne découragera pas les aficionados du largage de bombes de 5 tonnes sur des habitations. Les Shadocks (dont l’une des devises était plus ça rate, plus ça finira par réussir) n’ont rien inventé…

Le 26 octobre 1914, la première bombe allemande est larguée sur Douvres par un Taube monoplan. Du moins c’est ce disent les allemands. Les historiens anglais citent le 21 décembre 1914 comme date du premier bombardement aérien sur leur sol, n’ayant pas trouvé de traces de la bombe de Douvres. Auparavant, les allemands avaient également bombardé Paris (et largué un message fixant un ultimatum à la garnison !) sans plus d’effets que d’endommager le toit de Notre-Dame.

Les résultats étant nuls vu la faible charge utile des avions de l’époque, les allemands utilisent alors ce qu’ils ont de plus gros, à savoir des dirigeables Zeppelins. Les attaques de 1915 et 1916 s’avèrent peu concluantes, ces engins étant d’une lenteur désespérante, ayant bien du mal à se mouvoir par mauvais temps et étant d’une vulnérabilité au feu inquiétante. Même l’utilisation nocturne ne les met pas à l’abri d’ennuis : la DCA est souvent assez inefficace tant que le dirigeable n’a pas de problèmes mécaniques ou météo le forçant à se rapprocher du sol (elle fera plus de victimes civiles que parmi les équipages de Zeppelins), mais le Royal Flying Corps déploie début 1916 ses premières escadrilles de chasse de nuit autour de Londres et enregistre bientôt ses premiers succès, car l’illumination d’un Zeppelin par un projecteur terrestre est relativement facile et même le plus asthmatique des chasseurs se déplace 10 fois plus vite que ce genre de cible. Ce qui n’empêchera pas la Marine et l’Armée allemandes de s’obstiner jusqu’en 1918 avec des résultats de plus en plus couteux en hommes et en matériel. Et sans pour autant décourager les anglais de continuer la guerre, il y a souvent loin de la théorie à la pratique…

Parallèlement à la filière Zeppelin, les allemands développent des bombardiers multimoteurs capables d’emporter autre chose que des grenades améliorées histoire de voir si les franco-britaniques rigoleront longtemps de voir leurs villes assaillies par des engins qui nargueront leurs défenses et y sèmeront la désolation.

En 1917, les britanniques commencent donc à voir arriver au-dessus de leur territoire des bombardiers Gotha (GII puis GIII, GIV et GV) qui lâchent plusieurs centaines de kg de bombes en plein jour sur leurs villes. Et comme ils sont beaucoup plus précis que les Zeppelins, les dégâts et le nombre de victimes civiles augmentent.


Mais comme toujours, la vieille histoire du glaive et de l’armure, les britanniques réagissent et les pertes des escadrilles de Gotha montent en flèche car ces engins sont moins rapides qu’un chasseur et doivent échapper aux escadrilles de Londres mais aussi à celles basées en Flandres qu’ils doivent survoler pour rentrer chez eux.

Décision est donc prise d’utiliser les bombardiers « lourds » de nuit en attendant que sortent les versions de Gotha en développement capables de voler plus haut que les chasseurs (à l’époque, 6 000 mètres suffiraient amplement mais les allemands n’arriveront jamais à produire ces versions autrement qu’à dose homéopathique avant la fin de la guerre).

En septembre 1917, les premières attaques nocturnes de Gotha sont menées et les défenses de Londres s’avèrent bien incapables de les arrêter. Et ce d’autant que les chasseurs affectés à la Home Defense sont des appareils déclassés retirés de la première ligne, essentiellement des Sopwith 1 ½ Strutter biplaces.

Pour améliorer les capacités nocturnes du Strutter, on décide alors de déplacer le poste de pilotage à la place de l’observateur (pour améliorer le champ de vision du pilote), de boucher l’emplacement du pilote et d’équiper l’avion d’un projecteur de recherche (on ne rit pas, l’histoire des projecteurs embarqués sur des avions rebondira pendant le second conflit mondial avec une absence de succès confirmée qui force l’admiration). Les premiers Strutter chasseurs de nuit sont livrés en septembre 1917 et rapidement affublés du surnom de « comic » par leurs pilotes. Vu que jamais un Strutter ne réussira à abattre un Gotha, on peut imaginer pourquoi…


Devant les réactions outragées de la population anglaise (les bombes allemandes tuent indistinctement hommes, femmes et enfants ce qui est très inhabituel à cette époque) et l’absence totale de résultats des Strutter (et des quelques autres engins aussi obsolètes à la disposition de la Home Defense), l’Etat-Major se décide à divertir du front des chasseurs dignes de ce nom.

En janvier 1918, commencent à arriver dans les unités de la Home Defense des Sopwith F1 Camel et quelques Se5-a. Niveau performances, c’est le grand bond en avant, et le 28 janvier, 2 Camel abattent le premier Gotha attribué à un chasseur au-dessus du territoire britannique.

Si le Camel vient de laver l’affront, il n’en est pas moins mal adapté à la chasse de nuit. En effet, son armement est constitué de 2 mitrailleuses Vickers synchronisées montées devant le pilote (la bosse crée par le capotage de leurs culasses vaudra à l’avion son surnom de dromadaire, Camel in english).


Or, tout ceux qui ont volé/navigué/roulé de nuit le savent : la vision de l’être humain s’adapte progressivement à l’absence d’éclairage, mais déteste alors la lumière vive.

Une rafale de mitrailleuses, et le pilote du Camel est aveugle pendant plusieurs secondes, sa vision nocturne mettant ensuite plusieurs minutes à retrouver son niveau normal. Ce qui est un peu ennuyeux quand on pilote quasiment sans instruments un chasseur instable comme le Camel.

On décide donc de modifier des Camel en vrais chasseurs de nuit en déplaçant leur armement. Les 2 mitrailleuses synchronisées sont démontées et remplacées par 2 Lewis sur rail Foster au-dessus de l’aile supérieure, système utilisé sur le Se5-a qui permet de tirer à l’horizontale ou avec un angle vers le haut (une « schräge musik » avant l’heure).

Problème : le poste de pilotage du Camel est très avancé et le pilote ne pourrait pas se servir des Lewis sans se retourner (ce qui est difficilement envisageable même pour un jeune et souple pilote de chasse).
Solution : on déplace le poste de pilotage vers l’arrière à la place du réservoir d’essence qui, lui, se retrouve devant le pilote, et le tour est joué ! Dans le même esprit, on allonge le tuyau d’échappement pour éviter qu’il ne gêne la vision nocturne du pilote.

Officiellement dénommée F1/3, cette version de chasse de nuit du Camel sera mieux connue sous le nom de Comic comme son malheureux prédécesseur issu du même constructeur.


Le Camel Comic est donc l’un des tout premiers chasseurs de première ligne modifiés spécifiquement pour une utilisation nocturne (ceux qui suivent encore objecteront que le Strutter l’a précédé, mais avec zéro victoires à son actif, peut-on qualifier le Strutter Comic de chasseur ?).

Une dernière digression au sujet du bombardement « stratégique » : les anglais, qui avaient traduit Douhet et connaissaient parfaitement l’existence des Zeppelins, firent développer par Handley-Page dès 1914 la série « O », à l’époque les plus gros avions du monde. Ces bombardiers furent utilisés de nuit contre des installations de l’ennemi (gares de triage notamment) avec un certain succès. Les anglais avaient donc dès 1917 tirés les leçons des errements allemands (coût excessif des bombardements diurnes et inutilité des attaques de villes). Ce qui ne les empêchera pas d’oublier le second enseignement en laissant le regrettable (à part sa famille peut être, je pense que personne ne le regrette) Harris s’acharner sur les villes allemandes (soutenu par un Churchill aveuglé par le traumatisme du Blitz, les grands hommes ont aussi leurs faiblesses…) jusqu’à l’apothéose de Dresde. Comme quoi avoir été intelligent un jour n’est pas la garantie qu’on le restera dans le futur…

Un petit mot maintenant sur le Sopwith F1 Camel, avion à la réputation sulfureuse (sans doute le premier « widow maker » avant l’invention du terme).

Conçu sur la base de son prédécesseur le Sopwith Pup, le Camel contribua (avec le Se5-a et le Spad) à casser la supériorité aérienne acquise en 1917 par les Albatros allemands.

Propulsé par divers moteurs rotatifs (suite aux déboires connus initialement par les anglais dans la production sous licence du Clerget 130cv), le Camel était léger, râblé, puissant et doté d’une stabilité intrinsèque limitée, contrairement à ses prédécesseurs de chez Sopwith (Triplane et Pup).

Il avait donc une maniabilité très élevée, accentuée par l’effet de couple du moteur rotatif qui lui permettait de virer à droite mieux que tous ses adversaires.
Des qualités très appréciée des bons pilotes de chasse mais redoutées par les débutants et les hésitants : les accidents tuèrent ou estropièrent bien plus de pilotes de Camel que l’ennemi.
Mal piloté, le Camel avait en effet le défaut de décrocher brutalement, notamment à l’atterrissage.
Mais la plupart des grands as anglo-saxons acquirent leur palmarès sur Camel, ce qui montre que la machine n’était pas aussi malsaine que certains voudraient le laisser croire.

Selon le dicton de l’époque, le Sopwith Camel était “the best way to head for a wooden cross, the red cross or the Victoria Cross” (que l’on peut traduire par « la meilleure façon de gagner le cimetière, l’hôpital ou la Légion d’Honneur »).

Un avion à ne pas mettre entre toutes les mains, mais redoutable quand bien utilisé !

Passons maintenant au kit Eduard. A l’ouverture de la boite, je n’aurais que 3 mots : su-per-be !






Comme j’ai dans mon stock un Camel de feu Wingnut Wings, j’ai comparé et je peux vous dire qu’Eduard n’a pas à rougir : la différence d’échelle ne permet pas tous les raffinements d’un kit Wingnut au 1/32°, mais ça reste excellent.

J’ai quand même approvisionné un siège et les 2 mitrailleuses Lewis et leur système de fixation en résine histoire de me faire plaisir, mais les pièces d’origine sont loin d’être ridicules.

Maintenant, reste à voir si ça se monte sans histoires, et – surtout – à sortir un Camel Comic avec un haubanage qui ressemble à quelque chose dans le délai imparti. Et là, c’est pas gagné surtout au 1/48°. Parce que nos amis anglais avaient l’habitude d’utiliser des haubans profilés sans ridoirs apparents, et les doublaient souvent pour que les futurs modélistes soient sûr de ne pas s’ennuyer.

Parenthèse pour les spécialistes des chalumeaux : un hauban, c’est un câble qui renforce un mat ou une structure. Sur les avions de l’époque, les haubans sont métalliques. Un hauban, ça se règle en tension, car le métal est capable de plier le bois (ou d’arracher ses fixations) en cas de tension excessive et, à l’inverse, ne sert à rien s’il est trop détendu. Donc une extrémité est en général fixe, une protubérance quelconque étant sertie à l’extrémité du câble et prise dans un « crochet » fixé à la structure de l’avion. A l’autre bout du hauban, on trouve une partie filetée qu’on visse dans quelque chose. Et le ridoir, c’est le quelque chose qui permet de régler la tension des haubans. Les plus simples sont des cages ouvertes, comme ce qu’on trouve sur certains avions allemands WW1 ou sur la plupart des voiliers modernes, ou des formes allongées pleines souvent réservées pour les petits diamètres de câbles.



En modélisme, on représente souvent les ridoirs par des boucles et/ou des microtubes sur lesquels on vient fixer le fil qui tient lieu de câble. Ce n’est pas exactement fidèle mais ça fait illusion. Sinon, Gaspatch Model (entre autres) vend des ridoirs absolument superbes, c’est ce que j’avais utilisé pour mon Roland CII.

Mais sur le Camel, point de ridoirs apparents : les tiges plates qui servent de haubans se vissent sur des discrets points d’ancrages femelles accrochés à la structure.
En image, ça donne ça :


Réduit 48 fois, ce système peut difficilement être rendu fidèlement par les moyens usuels. Je vais donc approvisionner un lot de points de fixations « RAF late » de chez Gaspatch Model (en version résine, car la version métallique me semble à peu près impossible à mettre en œuvre par quelqu’un comme moi) et tenter d’en faire bon usage. Nous en reparlerons…

Attention si vous cherchez des exemples de haubans de Camel sur le net : certains avions restaurés ont des haubans qui ne sont pas conformes à ceux d’origine, avec des ridoirs à cage et des fixations différentes.

Passons maintenant à la décoration choisie.

Le box art Eduard nous montre un Comic joliment décoré d’une robe bleue et blanche avec un dos rouge…qui me laisse songeur. Pourquoi faire du chatoyant puis d’atténuer le blanc des cocardes au vert comme sur le profil ? Eduard, qui suppose que l’avion était peint ainsi quand il servait à l’entrainement puis fut repeint en vert, à l’air aussi peu convaincu que moi... Bof, bof, pas franchement représentatif de la chasse de nuit. Mais ça fait un joli box art, isn’t it ?


La décoration B proposée par Eduard me plait plus : un avion classiquement vert/clear dope avec un capot moteur en métal et toute la partie du cockpit en bois verni, le tout bien sali par un terrain hivernal, de quoi s’amuser un peu !


D’autant qu’il y a aussi des bandes blanches sur le fuselage pour égayer l’ensemble et que le blanc des cocardes est « atténué » par du vert pour le rendre moins visible. Là, on est pile dans le thème : un bon chasseur de nuit doit être discret !

Il y a 3 autres déco dans la boite mais 2 concernent des avions d’entrainement et la dernière un exemplaire entièrement vert avec un joli casque de chevalier (mais du vert, je connais déjà, autant rajouter du bois et du métal).

L’avion choisit appartenait au 44° squadron rattaché à la Home Defense, basé à Hainault Farm, terrain opportunément situé dans la grande banlieue Nord-est de Londres à proximité immédiate de la route empruntée par les Zeppelins et autres Gothas visant Londres. Il est réputé avoir été piloté par le Capitaine Georges Henry Hackwill, impliqué dans la première victoire sur un Gotha. A l’époque titulaire de 2 victoires, Hackwill deviendra un as aux 9 victoires en rejoignant ultérieurement le continent pour y combattre sur Camel « standard ».

J’ai trouvé un montage de cet avion sur un forum anglo-saxon qui m’a plongé dans une grande perplexité.
https://forum.ww1aircraftmodels.com/index.php?PHPSESSID=najqf75s45hv7qjdi0ke8blrp5&topic=12822.15

La qualité du montage (conversion d’un kit Wingnut Wings au 1/32° superbement réalisée) n’est pas en cause, mais l’analyse de la décoration portée par l’avion par le monteur me surprend (euphémisme).

La photo de référence :


Et le profil qu’en tire le monteur :



Et là, j’avoue que j’ai du mal à comprendre… Explication du monteur pour ceux qui n’auraient pas le courage de lire les 7 pages :

“The most common film used during the period was Orthochromatic film, which produced a very pale colour for blue and very dark colour for red.[…]
The photograph of this particular aircraft appears to show white roundel rings and fuselage stripes, which I assume was the basis for the previous colour profile.
However, given the colour variation from the film I think it was more likely that what appears to be white was in fact blue and the dark centre disc was actually painted red.”

Autrement dit, le fait que les films orthochromatiques de l’époque fassent ressortir le rouge très foncé et le bleu très pâle amène l’auteur à conclure que le blanc de la photo est en réalité du bleu et le bleu supposé (des cocardes et de la queue) du vert (le rouge ne devenant pas du blanc, faut pas pousser).

Je sais qu’il faut se méfier de l’interprétation des couleurs des photos, mais, là, ça va trop loin pour moi : du blanc qui devient bleu ? Et pas un blanc gris, un blanc blanc (saleté et « atténuation » mises à part).

J’en appelle donc aux spécialistes des photos noir et blanc qui consulteraient ce sujet : qu’en pensez-vous ?

Très intéressant l’historique du bombardement de nuit…

Pour le profil c’est bizarre en effet… le blanc de la photo me paraît bien placer pour être du blanc en réalité… et du coup le gars c’est bien planté à mon avis… mais je n’y connais rien en interprétation des couleurs…

Quoi qu’il en soit Bon montage et bon concours..