[Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
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[Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Histoire de dire, histoire de s'amuser, histoire de copier le savoir-faire de Tichot, histoire de garder un souvenir du concours...
Le montage est là :
https://fighters.forumactif.com/concours-montages-special-ailes-francaises-39-45-f137/vough-v156-f-azur-1-72eme-histoire-de-t32579.htm
Et s'il y a des volontaires, je mettrais aussi l'histoire tout entière de Valentine et Jean.
Voilà un kit que j'ai voulu monter en copiant le superbe modèle de Tichot au 48ème. Le résultat de cette copie aurait pu figurer dans un montage en commun, c'était un peu ma philosophie en le faisant. Evidemment, il a fallu créer quelques aménagements qui ne figuraient pas dans le kit Azur, par ailleurs, de fort bonne facture. La voiture est une Simca 5 de marque - je ne sais plus la marque, bon sang - anglaise qui m'a valu quelques jurons bien verts...La figurine est prise dans la gamme Preiser.
J'espère ne pas avoir trahi le modèle exceptionnel de notre ami Tichot et qu'il ne me tiendra pas rigueur de ma démarche.
Je retourne au Fiat G-50 et au Focke Wulf 190...
Philippe
Le montage est là :
https://fighters.forumactif.com/concours-montages-special-ailes-francaises-39-45-f137/vough-v156-f-azur-1-72eme-histoire-de-t32579.htm
Et s'il y a des volontaires, je mettrais aussi l'histoire tout entière de Valentine et Jean.
Voilà un kit que j'ai voulu monter en copiant le superbe modèle de Tichot au 48ème. Le résultat de cette copie aurait pu figurer dans un montage en commun, c'était un peu ma philosophie en le faisant. Evidemment, il a fallu créer quelques aménagements qui ne figuraient pas dans le kit Azur, par ailleurs, de fort bonne facture. La voiture est une Simca 5 de marque - je ne sais plus la marque, bon sang - anglaise qui m'a valu quelques jurons bien verts...La figurine est prise dans la gamme Preiser.
J'espère ne pas avoir trahi le modèle exceptionnel de notre ami Tichot et qu'il ne me tiendra pas rigueur de ma démarche.
Je retourne au Fiat G-50 et au Focke Wulf 190...
Philippe
Dakota 22- "Big Moustaches"
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
A la demande générale (sic !), l'histoire...
Après, je ne vous embêterais plus, promis...
Philippe
Chapitre 1, 6 mars 1940
Je me dis, calfeutrer chez moi afin d’échapper à la froidure du matin, que la Nature s’est figée et attend, patiente, la fin du dégel pour commencer à revivre…
Des escarmouches ont lieu dans le nord, à la frontière avec l’Allemagne. Des avions de reconnaissance qui font leurs va-et-vient, se font avoir bêtement par nos chasseurs…
Nous continuons à recevoir au compte-goutte les Vough en provenance d’orly. Nos pilotes continuent leur conversion. Evidemment, rien à voir avec nos anciens Loire-Nieuport…Rien qu’au niveau vitesse, nous avons l’impression d’être à bord de véritables bolides. A priori, l’avion est assez docile et mon pilote est ravi de sa nouvelle monture. Nous nous entraînons activement au bombardement en piqué même si nous ne lâchons que des bombes fictives et imaginaires puisque nous n’avons pas encore reçu les lance-bombes.
Régulièrement, les équipages sont soumis aux inévitables patrouilles sur la Manche. Les nécessités de service sont ainsi, les allemands n’ont pas bougé de leurs frontières mais nous veillons. Quelques sous-marins pourraient bien avoir l’idée de venir perturber ces préparatifs. Les appareils qui y participent sont les seuls à être équipés de ce qu’il faut pour lancer quelques projectiles. Nous sommes en guerre tout de même, une guerre sans ennemis, une guerre d’opérette, une guerre de manœuvre, une drôle de guerre.
J’en ai effectué une en début de mois. L’impression au départ est toujours un peu similaire. Je me lève vers cinq heures et, encore tout endormi, je m’habille rapidement pour réveiller mon pilote dans la chambre voisine. Nous descendons dans le hall afin de déjeuner. Le café, brûlant, ne parvient pas à nous tirer de notre torpeur. Hier soir, nous avons préparé la mission avec René, très tardivement. Ce n’est pas sérieux, j’en conviens, et effectuer cette mission avec aussi peu de sommeil n’est compensé que par l’insouciance de notre jeunesse…
Quelques bâillements plus tard, nous sommes dans la Simca 5 de René pour nous rendre au terrain où notre appareil nous attend. Les mécanos, levés depuis bien plus longtemps que nous (ce sont-ils seulement couchés ?) l’ont préparé et bichonné.
Le décollage est prévu pour 7h30. Nous serons justes à l’heure. Arrivé sur l’aire de vent, nous prenons une grande gifle de froid dans la figure en descendant de l’auto. Je ne pensais pas qu’il faisait si froid. Il est vrai que devant la pension de famille, nous étions à l’abri des grands pins maritimes de la propriété, tandis qu’ici…
Nous nous engouffrons dans le vestiaire des navigants pour revêtir nos tenues de vol (je cherche un pull ou deux de plus à mettre mais ne trouve rien, malheureusement). Puis, nous passons au contrôle enregistré notre vol qui est prévu au planning depuis la veille. Une dernière tasse de mauvais café et nous rejoignons l’avion.
Il a été sorti du hangar et sa silhouette qui se dessine sur les lumières de l’atelier lui donne une allure fantomatique. Je sais bien qu’il est dépassé comparé à ce qui se dit sur les performances du Messerschmitt mais il n’empêche. Il est gracieux et presque beau. Bientôt, je vais mettre ma vie entre ses ailes et j’ai très envie qu’il me prenne en pitié. Je ne dirai rien de mal : j’en deviendrai presque superstitieux…
Nous faisons le tour du propriétaire, tout semble être correct et nous montons à bord. Chacun à sa tâche, René au contrôle du vol, moi, à la radio et à ma mitrailleuse. Voilà bien quelque chose qui ne change pas puisque c’est la Darne que nous connaissons bien. Essai radio rapide, cela marche mal, comme d’habitude et René met en route. Nous fermons les vitres, il fait déjà trop froid à l’extérieur, inutile d’en rajouter à l’intérieur…
Seuls dans le circuit, René décolle directement et nous prenons le cap vers la mer. Alprech est encore endormi et lorsque nous survolons Boulogne, les formes de la ville se dessinent sur l’aurore qui pointe à l’horizon. Notre passage n’éveille nul guetteur et la DCA reste muette. Drôle d’époque, drôle de temps, drôle de guerre…
Une fois sur le Chanel, je m’empresse de tirer sur l’ordre de René une fusée de reconnaissance à l’adresse des convois anglais que nous survolons pour les protéger. Il ne s’agit pas qu’ils nous prennent pour un allemand en maraude, même s’il y a peu de chance pour que l’un d’eux arrive jusqu’ici, à cause de l’autonomie. Mais les anglais sont nerveux et il est déjà arrivé que nos avions soient touchés sans gravité, heureusement, durant ces missions de protection. J’ai toujours trouvé ces situations idiotes, tragiques et surtout vaines. Mourir pour son pays est une chose, nous y avons été préparés et nous sommes en mesure de faire ce sacrifice. Mais tous ces braves de la Grande Guerre, morts pour une erreur de jugement, ne sont pas disparus pour leur pays : ils sont morts bêtement…A quoi peut se résumer une vie ; elle est tout pour nous et nous sommes bien peu de choses pour elle. Et il nous faut cependant la remercier à chaque fois que nous nous posons entier. Que dirons-nous lorsque nous ne reviendrons pas ?
Après deux heures de vol, nous rentrons à Alprech. Il fait jour mais la température n’est guère montée et une fois le moteur arrêté et les contacts coupés, nous nous empressons, René et moi, vers le mess pour nous réchauffer.
- « Bonjour, dit le barman de service (en fait un de nos pilotes qui assure ce rôle jusqu’à l’arrivée d’un planton), alors ? quoi de neuf ?
- Pas grand-chose, lui dit René, nous avons survolé trois convois sans voir en l’air âme qui vive.
- Bon sang, lui répond Jean, quand est-ce que ça va commencer !!
- Oui, au moins, sur le Béarn, on voyait du pays…Sers nous quelque chose de chaud parce que là-haut, si n’y a pas de boches, y’a du froid !!
- Ah, ah, ah, sacré René, asseyez-vous, j’vous amène du café et petite goutte que j’ai dégotté dans une ferme près d’ici. »
Voilà nos journées.
Nous regrettons parfois l’ambiance de Cuers lorsque nous avons appris à connaître le Vough. Il y avait tellement de choses à faire, de plaisirs à saisir. Et puis, il y avait le soleil qui nous brûlait la peau ainsi que celles de nos petites « amies » avec qui nous passions tout le reste du temps où nous ne volions pas…Mais nous étions loin des combats – et quels combats !! – pour lesquels nous étions préparés. Au soleil, en sécurité, il est toujours facile de dire que l’on veut en découdre mais là, si loin, dans la froidure où l’inactivité nous guette, à quoi servons-nous ?
Décidément, cette drôle de guerre ne vaut rien pour le moral…
Chapitre 2, 11 juillet 1939.
Toulon. Sa rade. Le soleil se couche.
Marchant sur le pont du Béarn, je savoure les derniers instants à passer à bord. Le porte-avions, notre porte-avions, est amarré solidement et reste insensible à la beauté du soir. En pensant cela, je me dis qu’il est un peu ridicule de personnifier ainsi des machines. Superstition, peur du marin face aux éléments démentiels de la mer, je ne sais mais nous n’échappons pas à cette peur ancestrale. En parlant avec les matelots du bord, je me suis aperçu que chacun d’eux avait sa manière de conjurer le sort. Les uns ne prononçaient pas certain mots, d’autres touchaient une icône loin des images pieuses que me donnait ma grand-mère, enfant…Les officiers n’y échappaient pas. Leurs manières étaient sans doute moins démonstratives – il fallait maintenir l’étiquette – mais elles existaient. La plupart mettait un point d’honneur à porter l’uniforme d’une manière impeccable mais ce que l’on aurait pu prendre pour des coquetteries, révélait de manière certaine leur crainte. Une épaulette plus haute que l’autre, un bouton cousu à l’envers, avec l’ancre de marine tournée vers le bas, tous portait cela comme une tradition.
Nous autres, navigants, étions partie prenante de ce cérémonial toléré par la Marine. Ne parlions-nous pas à nos appareils comme le jockey peut le faire en parlant à l’oreille de son cheval juste avant une course ? A bien des égards, nous ressemblions aux marins. Il en va sans doute ainsi de tous les hommes qui défient la Nature. Face à leur impuissance, ils se construisent des relations divines qui, s’imaginent-ils, vont les protéger. Une bien faible protection, en fait, qui les rassurent mais ne les sauvera pas…
D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu maîtriser mon destin. Fils de maréchal ferrant, je n’ai pas voulu poursuivre la tradition familiale. La proximité des chevaux, ces grands animaux aux grands yeux et à la bouche énorme, me faisait peur. L’âge n’y a rien fait. Après l’école, je traînais toujours le long du canal à l’affut d’un exploit à réaliser. J’exterminais des hordes de fourmis menaçant mon pays, je pourchassais les oiseaux dont je jalousais l’inaccessible pouvoir de voler, je bombardais les araignées d’eau, sorte d’Invincible Armada qui menaçait aussi nos côtes. Lorsque je rentrais, ma mère me grondait pour mes bêtises alors que j’avais sauvé mon pays tout entier à moi tout seul. Mon père, lui, ne disait rien et surtout ne me parlait pas de la guerre. Je lui ai posé des questions parfois mais il éludait ses réponses, les diluait dans d’interminables méandres, si bien qu’au bout du compte, je les avais oubliés… je savais qu’il avait participé à la Grande guerre mais ce qu’il avait du y voir, ne devait pas être racontable. Seules, quelques cicatrices témoignaient pour lui de ses combats et les traits de son visage dur cachaient bien d’autres souffrances, plus profondes…
Les méandres de l’esprit sont étranges. Ils vous embarquent et vous entraînent sans vous en apercevoir pour vous lâcher à l’improviste. Je suis abasourdi et je marche toujours sur le vieux pont. Cette fois, la nuit est tombée. La mémoire revient, les ordres et les rumeurs de guerre.
Le premier porte-avions français n’a jamais connu la guerre, ce pourquoi il a été construit, et déjà on le juge trop vieux. Il est vrai qu’il ne va pas bien vite et que le nombre des avions qu’il embarque est bien inférieur à celui que peuvent porter les bâtiments anglais. En trois ans, à son bord, j’ai appris à le connaître et à l’apprécier.
Demain, je le quitte. Mon escadrille rejoint Cuers où, paraît-il, nous allons recevoir de nouveaux avions. On parle de nouveaux Loire-Nieuport mais la rumeur la plus sérieuse concerne l’achat d’avions aux Etats-Unis, des Vough 156 et nous en rêvons la nuit...
Nous débarquons sous un soleil de plomb. Il est à peine 9 heures et déjà, les températures sont insupportables. Pour le coup, l’uniforme et nos équipements sont bien lourds à porter. Un camion nous conduit à la gare. A travers la ville, nous retrouvons l’atmosphère du pays. Elle nous apparaît, cependant, lointaine, uniquement parce que nous n’y sommes plus habitués. René n’a pas l’air plus à l’aise que moi. Abruti aussi bien par la chaleur que par le tumulte, l’étroitesse des wagons nous achève et nous sombrons dans un sommeil profond.
Nous avions longtemps espéré avoir quelques jours de permission après cette croisière mais l’époque est aux préparatifs et l’on ne prend plus le temps. Nous nous reposerons à la base, du moins, c’est ce que l’on espère…
Notre arrivée n’est guère plus triomphale que notre départ et l’on nous jette – comment dire autrement ? – devant le mess. Après les présentations d’usage et notre installation, nous voulons savoir et découvrir nos nouvelles montures. Les chambrées se trouvent dans le prolongement du mess. Suivent ensuite, les bâtiments administratifs et, surplombant le tout, la tour de contrôle aérien. Plus loin, encore, les hangars qui abritent les avions sont alignés devant un tarmac en béton, luxe des temps modernes…
Un officier nous fait visiter ces installations et nous découvrons enfin les avions qui nous sont destinés. Alignés comme à la parade, resplendissants, tout neufs, ils ont fière allure !!
La visite se termine par ce que l’officier prend pour le clou de cette base : sa piscine…
Rapidement, l’impatience d’y plonger prend le pas sur la découverte des Vough !!
Quelle délectation, quel plaisir !!
Le soir, au mess, les conversations vont bon train entre les anciens et les nouveaux que nous sommes. Quelques verres suffisent à délier les langues, non pas sur les performances de nos oiseaux métalliques mais sur l’environnement féminin de Cuers… Les bonnes adresses sont vite prises…
En attendant le dimanche suivant, on nous laisse dans l’enceinte de la base profiter de la fameuse piscine et lézarder au soleil. René peut peaufiner sa connaissance du carnet technique de l’avion. Mes séances de travail sont plus longues car si l’arme de défense qui équipe l’avion est française, une Darne que je connais bien pour l’avoir eu sur mes précédents avions, en revanche, l’équipement radio est nouveau pour moi. En fait, j’ai reçu une formation de radiotélégraphiste mais les postes émetteurs n’étaient pas très répandus dans l’aviation embarquée. Il apparaît après mes premiers essais de la radio du Vough que celle-ci n’est guère plus performante que les autres… Heureusement, il reste le morse et je dois m’y replonger ardûment pour ne pas être en retrait de mes camarades… La semaine prochaine, il y aura les premiers vols de prise en main et nous pourrons peut-être participer à certain d’entre eux.
Dans l’un des hangars, les mécaniciens ont installé une sorte de maquette grandeur nature du poste arrière du « Vindicator », qu’ils appellent « simulateur » et, à tour de rôle, nous nous y installons pour nous entraîner aux différentes procédures : essai radio, déploiement de la mitrailleuse, démontage… Au champ de tir, nous effectuons des passes avec ces fameuses pétoires et nous apprenons que nous ne pourrons pas faire grand mal avec… Leur portée est ridicule et, en vol, pour qu’un assaillant soit à portée, il pourra nous abattre bien des fois avant que je puisse avoir une chance de faire mouche… On nous donne même des rudiments de pilotage car mon poste peut être équipé d’un second manche au cas où le pilote serait touché. Je vole même avant René, avec un instructeur, dans un Morane 230. C’est encore plus merveilleux que le seul vol. On est maître de l’avion, on fait corps avec lui. Il est notre prolongement. Je suis devenu, l’espace de quelques vols, l’égal d’un oiseau.
René, par contre, est un peu déçu. Les attentes qu’il pouvait avoir ne sont pas à la hauteur. Certes, la vitesse est plus grande que tous les appareils de bombardement de la Marine mais elle n’est pourtant pas si impressionnante. Ses caractéristiques de vol ne sont pas, non plus, très affriolantes. « Ceux qui ont conçu cet avion n’ont pas pensé que des chasseurs pouvaient nous attaquer !! Il vole droit, c’est déjà un début… Pour le reste, il faudra attendre le suivant… », me dit René, quelque peu dépité.
Ces préoccupations sont vite oubliées. Nous nous préparons pour aller au bal. Uniforme de sortie, galons astiqués, chaussures cirés, nous sommes prêts. Dans notre empressement, nous oublions tous les usages et filons en nous cachant du planton de garde.
La guinguette est inondée de soleil. Les tables sont disposées à l’ombre des arbres qui abritent également le bar, le nerf de la guerre, en tout cas de cette guerre là. René ne tarde pas à trouver son bonheur dans les bras d’une grande fille aux cheveux noirs. Sacré René ! Qu’importe la beauté, pourvu qu’on ait l’ivresse… Après tout, il n’a pas foncièrement tord.
Je reste au bar un moment, sirotant un verre de Pastis. A avoir attendu toute la semaine ce moment, je ne me sens plus d’humeur à compter fleurette. Pourtant, les filles sont nombreuses, elles ont du apprendre qu’un nouveau contingent de pilotes arrivait à la base. Elles sont là pour nous voir. Elles sont là pour s’amuser et en profiter ne sachant pas ce que serait fait le lendemain. Cette sinécure me lasse et je décide de finir mon verre et de partir me promener en ville.
Elle était là.
Au moment où j’allais me retourner pour sortir, elle m’apostropha.
-« Il fait trop chaud ici aujourd’hui. Je n’aime pas danser. Voudriez-vous me raccompagner ? »
-« Je n’aime pas beaucoup cela non plus et oui, je peux vous raccompagner… »
Elle était grande, comme la girafe que René avait choisie. Mais sa prestance était tout à fait différente. Sa chevelure châtain soulignait son visage aux traits fins. Elle avait la peau blanche et satinée. Son cou surplombait de gracieuses épaules à l’ombre de ses cheveux. Elle avait des gestes simples, lents qui augmentaient encore sa grâce. Sa robe mettait bien en valeur sa poitrine qui, sans être, imposante, attirait immédiatement l’œil. Sa taille n’était pas seulement fine, elle aurait damné un ingénieur des ponts et chaussées tant elle était parfaite. Ses jambes, enfin, l’élançaient et participaient à l’impression mutine que je ressentis tout de suite. C’est ainsi. On ne s’y attend pas. On se croit maître de sa destinée et un seul être vient tout remettre en cause…
Il n’y a pas grand monde à Cuers le dimanche après-midi. Il fait sans doute trop chaud. Nous avons également trop chaud mais nous avons certainement d’autres préoccupations… Elle m’a tenu la main le plus naturellement du monde et nous avons marché dans la ville. Elle m’en a montré les curiosités et, pour finir, nous nous sommes allongés dans l’herbe du parc déserté. Nous nous sommes racontés nos vies. Ma vie était certainement plus aventureuse que la sienne mais ce n’était rien. Je me rendis compte que la simplicité de sa vie me passionnait.
A force de parler, le temps passa et la chaleur décrut. Je devais rejoindre mes quartiers et nous séparer. Le silence de nos regards parvenait à gagner encore quelques instants de sa présence. Nos lèvres finirent par se trouver et nous nous embrassâmes.
-« Alors, tu es parti avec Valentine, mon cochon !! C’est ma Paulette qui vous a vu et me l’a dit !! »
Mon Dieu, c’est vrai… Suis-je bête !! Je ne lui ai même pas demandé son nom. Quelle cruche, je fais. René s’aperçoit de mon air étonné et comprend tout de suite.
-« Eh bien, Môssieur se la joue grand seigneur, l’air de rien. Il se laisse aborder, conclut et au revoir la compagnie. Ah, on peut dire que tu sais mener ton affaire, toi…Un vrai Don Juan !! »
-« Arrête, t’es con… »
-« Oh, pardon, excuse-moi ! C’est qu’en plus, elle t’a fait son gringue et, toi, tu as marché ? »
René n’a pas tord. J’ai été entrainé dans un flot de bien être. Est-ce la croisière ? Le contact et la promiscuité du bord ont-ils eu raison de mon sens commun ? Pourtant, j’étais heureux. Valentine m’a fait renaître à la vie. Face à ma destinée, je ne pouvais plus être seul à la regarder, à la toiser. Il me fallait être deux.
La semaine fut interminable. L’instruction me parut insipide. Entre la mise au point des avions, l’entrainement des pilotes et celui de leurs mitrailleurs et la piscine, je n’attendais que le moment de la revoir.
Je n’eus même pas besoin de retourner au bal, elle m’attendait à la sortie de la base.
-« Bonjour », me dit-elle
-« Bonjour », lui répondis-je le plus platement du monde.
Le silence qui s’ensuivit était insupportable mais, en même temps très doux… nous n’étions déjà plus qu’un. Mes yeux la caressèrent et elle frissonna. Sa main droite balaya ses cheveux et j’en ressenti la douceur sur ma joue.
-« Allons nous promener dans la campagne, j’ai apporté un pique-nique. Je me suis inquiétée, je ne connaissais pas votre nom. Je savais que les pilotes pouvaient sortir le dimanche, alors, je suis venue. Vous ne m’en voulez pas ? Je m’appelle Valentine… »
Je restais là, subjugué par sa voix. Elle due s’apercevoir de mon émoi. Elle sourit.
-« Non, non, bien sûr, je ne vous en veux pas !! Je pensais bien vous retrouver avec Paulette… »
-« Paulette ! C’est mon amie. Elle est un peu…disons qu’elle profite de la vie… René est gentil, c’est lui qui m’a dit de venir vous voir l’autre jour au bal… »
Le salaud !! Brave René, trop gentil…S’il savait… mais je crois qu’il sait déjà.
-« je m’appelle Jean. »
Chapitre 3 : 10 avril 1940
Cette guerre qui n’a de drôle que le nom commence à nous peser. A quoi rime ce calme qui perdure depuis septembre ? Huit mois d’escarmouches, d’embuscades en tout genre d’un côté comme de l’autre… Nous patrouillons toujours dans la Manche à l’affut des U-boot que l’on dit redoutables depuis la première guerre mondiale. Parfois, ils nous arrivent de nous poser en Angleterre où nos camarades anglais nous reçoivent cordialement à grand renfort de pintes de bière. Nous devons soutenir l’honneur de la Marine et ces virées se terminent le plus généralement par un mémorable mal de tête.
Je pense à Valentine et j’essaye de lui écrire tous les jours. Ce n’est pas toujours évident et la censure doit veiller au maintien du moral de l’arrière. J’envie souvent les camarades de l’AB3 qui nous ont succédé à Cuers, au moins, je serai près d’elle…
L’autre jour, en Angleterre, René et moi avons vu, pour la première fois un Spitfire. Il est magnifique et le bruit de son moteur résonne encore dans nos oreilles. Il est plein de la puissance tranquille du caractère anglais. Son ronronnement est sourd mais l’on sent derrière toute la hargne d’un peuple toujours sur le qui-vive. Ses formes sont harmonieuses tout en rondeurs élancées… Quand je pense que je n’ai pas encore eu l’occasion de voir un Dewoitine 520 dont on nous rebat les oreilles de l’autre côté…
Elle me répond rarement, me disant que tout va bien, qu’elle ne manque de rien et qu’elle pense à moi. Je comprends à travers ces mots qu’elle s’inquiète pour moi et qu’elle ne voudrait pas, à force d’écrire, me transmettre ses peurs et ses angoisses.
Lors d’un vol d’essai, au-dessus du Havre, nous nous sommes payés la peur de notre vie. Loin du front, les seules craintes que nous aurions pu avoir étaient de prendre un coup de DCA mal placé. Tout occupés, René et moi à scruter la terre, nous n’avons pas pris garde à surveiller nos arrières et nous nous sommes fait coiffer par une patrouilles de Potez bimoteurs de chasse. Sur le coup, je me suis dit que nous étions attaqués mais ce n’est qu’au ricanement des pilotes à la radio que j’ai compris ce qu’il en était. Quelle bande de gamins !! Si je n’avais pas calmé René au saut de l’avion, je pense qu’il aurait été s’expliquer avec ces pilotes. C’est d’autant plus idiot que ma mitrailleuse était prête et armée. Il s’en est fallu de peu que j’appuie sur la détente…
L’esprit de corps disparaît, l’idée de Nation s’évapore. Je pense qu’après la Grande Guerre, les gens étaient si meurtris qu’ils ne pensaient plus guère à autre chose qu’à profiter de la vie. « Nous sommes vivants, voilà l’essentiel !! » C’est sans doute un peu réducteur. La grandeur d’un peuple ne se mesure plus à sa faculté de se faire massacrer sur un champ de bataille. Mon père est mort des années plus tard des suites de ses blessures. Gazé dans les tranchées en 1916, ses poumons n’ont pas résisté à l’usure du temps. Il s’est étouffé. Que sommes-nous face à l’histoire du monde ? Ont-ils, par ces idées de Nation et de sacrifice fait avancer la civilisation ? Mon père est mort deux fois, par la guerre et par les désillusions qu’elle lui a causées. Les millions de soldats tombés pour la France, pour le monde, auraient dû avoir assez de poids pour empêcher qu’un nouveau désastre ne se produise. Vingt ans plus tard, nous nous apprêtons à commettre les mêmes erreurs. « Plus jamais ça !! » disait-on alors, quelle connerie !! Et moi, dans tout ça, je fais mon métier de militaire, j’obéis. Il est tellement plus pratique d’obéir par obligation que par conviction. Ainsi, je suis tranquille. La vie continue, avec des œillères, pour seules contraintes. C’est la guerre ? Et alors, nous serons tous morts demain pour un idéal fantoche, tout ça parce qu’un hurluberlu farfelu, ivre de vengeance, a décidé pour tout le monde qu’elle était la meilleure voie.
J’ai le temps de penser à tout cela entre les vols et l’horizon devient chaque jour plus morose. C’est mon métier. Je ne le fais pas pour la Patrie, ni même pour l’honneur. Ces termes ne sont plus rien, ils n’ont plus aucun sens. Je le fais pour sauver ma vie. Lorsqu’un allemand, un grec ou un chinois me tiendra dans son collimateur. Je n’aurai que ce pouvoir d’essayer de défendre ma vie. Pas de grands idéaux, juste ce besoin vital de revoir le lendemain, de revoir Valentine.
Chapitre 4 : 10 mai 1940
« Mon très cher Jean,
J’espère que tu te portes bien. Tu dois avoir bien froid mais, heureusement, les beaux jours reviennent. Tu me manques terriblement et chaque jour qui passe est une souffrance. Auras-tu une permission ? Il me tarde de te voir.
Chaque matin, je vais travailler et, en me levant, je ne puis m’empêcher de repenser à notre rencontre. Il faisait si beau. Chaque minute qui passe me ramène à ton visage. La journée est longue dans l’attente, les semaines n’en finissent plus de défiler. Tes lettres sont d’un grand réconfort et je suis heureuse de savoir que tu ne t’exposes pas trop. Les nouvelles ne sont pas réjouissantes et l’on dit que les allemands pourraient bientôt attaquer. Heureusement, ton unité n’est pas si proche de la frontière.
Ici, tout a augmenté, la vie n’est pas aussi facile qu’avant la guerre. Un rationnement a été mis en place et, bien que cela soit préventif, le régime est difficile à supporter. L’esprit qui régnait avant avec les rêves de vacances et les syndicats, est bien loin. Aujourd’hui, plus question de grève pour un oui ou pour un non, l’effort de guerre est présent et doit être soutenu. Pourtant, il y a encore des secousses et, malgré la guerre, les syndicalistes veillent aux acquis sociaux. Il me semble qu’en ce moment, il y a bien autre chose à penser. L’autre jour, l’un d’eux est venu à l’atelier. Il nous a posé des questions sur notre travail puis il nous a raconté que la guerre ne durerait pas et surtout qu’elle était un prétexte pour casser les efforts des travailleurs français. Certaines d’entre nous semblaient subjuguer par ce discours. Pas moi. La guerre est peut-être un vaste alibi pour enrichir les grandes familles, elle fait surtout que tu es loin de moi.
La base où tu étais, abrite maintenant de nombreux avions. Le bruit court que les Italiens, alliés des allemands, pourraient entrer dans la guerre contre nous. Nous ne sommes pas rassurés mais, comme tous les bruits, je me doute bien qu’il y a autant de chance que ce soit vrai ou faux. Néanmoins, j’ai aménagé dans la remise de la maison un abri de fortune où je ne craindrais rien.
Prends bien garde à toi, mon aimé. Je t’embrasse très tendrement.
Ta Valentine. »
J’ai reçu cette lettre ce matin et je ne cesse de la relire depuis. L’alerte maximum a été envoyée aux unités hier au soir. Nous ne savons pas grand-chose de plus et les vols du matin sont maintenus. Vers 11 heures, nous apprenons que les armées allemandes sont entrées en Hollande et qu’elles progressent rapidement vers la Belgique. Nous en concluons que notre propre armée va venir secourir les Hollandais et les Belges qui appellent au secours. A 13 heures, René et moi décollons pour la patrouille. La nouvelle de l’offensive allemande a pour effet de réveiller les défenses des villes plus vigilantes qu’à l’habitude. Depuis notre mésaventure avec les Potez, je m’arque boute sur ma Darne en surveillant le ciel. D’autant plus maintenant…
Chapitre 5 : 16 mai 1940
C’est le printemps depuis un moment déjà. La nature après avoir supporté l’hiver rude se remet doucement et se réveille de sa longue hibernation. Il est vrai que nous n’avons guère le temps de nous en préoccuper. Pourtant, afin de ne pas perdre tout repère, je me force à y penser. Combien de combattants ont perdu ainsi la raison parce qu’ils n’avaient plus de moyens de se raccrocher à la vie. L’horloge du temps nous le rappelle toujours mais si nous ne l’écoutons pas… En fait, c’est un juste équilibre. Il faut avoir ces liens qui nous attachent mais trop leur donner d’importance nous éloigne du devoir. Je me suis souvent laissé piéger à ces rêveries et il est toujours difficile de trouver une bonne raison pour retourner aux futilités quotidiennes, fut-ce la guerre…
Le terrain a été bombardé à plusieurs reprises par des avions allemands. Des Vough ont été détruits et quelques équipages ont eu la possibilité de partir quelques jours chercher de nouveaux avions à Lann Bihoué. J’en fis partie. Le premier soir fut pour nous l’occasion de nous reposer loin du tumulte des combats. La journée du lendemain fut assez longue : ordre, contrordre, formulaires à remplir sans fin, officiers obtus bien loin de la réalité des choses et pour finir, les avions qui ne sont pas tout à fait prêts. Il nous faut attendre un jour de plus pour qu’ils le soient. Le soir est magnifique. Le soleil d’un rouge sanglant se couche dans les flots à l’horizon. Pour accentuer encore sa tonalité, le ciel recueille quelques rayons qui deviennent pastels à mesure qu’ils s’éloignent. Ces moments, je les ai vécus tant de fois. Pourtant, ils sont toujours aussi imposants et immenses. Je n’existe plus, microbe dans l’univers infini. Si je mourrai demain, il ne resterait rien. La seule trace qui subsisterait se trouve dans les yeux de Valentine…Combien de temps ?
Que suis-je venu faire dans cette galère, la vie s’enfuit et je n’en profite pas avec celle que j’aime !
Si j’avais su alors, aurais-je agi autrement ? En sachant ce qui arriverait, aurais-je pu influencer ce néfaste destin ? Je n’aurais pas déserté, je participe à ma mesure à la défense du pays, de la Nation. Cet ensemble d’homme qui fait que l’on n’est pas seul dans l’univers, qui implique que l’on fasse partie de quelque chose de plus grand. Quand on y pense, c’est assez ridicule. Pour être quelque chose dans cet univers, il faudrait être un soleil. Même : un soleil qui disparaît, c’est une étoile qui s’éteint. Le verrait-on dans la nuit ? Sans doute pas…
Alors ? Alors, je resterai à défendre ma pauvre existence dans le secret espoir de revoir Valentine et de me payer de ce que la vie me donnera.
Je me suis fait piéger. L’intelligence n’est pas d’inventer de grandes choses mais bien de s’étourdir de notre petitesse… Je me couche bien loin des souffrances de la guerre ce soir-là.
Le lendemain, retour aux affaires, les avions sont prêts à être convoyés. Nous atterrissons à Alprech en fin de matinée. La situation de l’Armée française est catastrophique. Entraînés au nord, nos meilleures divisions ont dégarni notre flan Est et la Wermarch qui n’avait finalement fait qu’une grande diversion en Belgique et en Hollande, s’engouffre au cœur du pays. Chaque jour, que dis-je, chaque heure nous rapproche de l’inéluctable : nous sommes battus. Les pensées de la veille me reviennent en mémoire. Le terrain d’Alprech est dans une incroyable effervescence. D’un bout à l’autre, les rumeurs les plus folles circulent. Nos chefs ont quelques hésitations sur les décisions à prendre. En fin d’après midi, le calme revient quelque peu et la discipline reprend le dessus. Des ordres de l’Etat-major sont enfin parvenus jusqu’à nous. Vers 20 heures, nous apprenons que les avions seront gréés de bombes et que l’on nous envoie avec les Loire, bombarder des ponts en Hollande… Nous n’en croyons pas nos oreilles, les allemands s’approchent de Paris et l’on nous envoie au diable Vauvert bombarder des ponts alors que nous n’y sommes pas préparés. L’on nous explique que cette action fait partie d’une stratégie d’ensemble à laquelle nous n’entendons rien. En attendant, nous, les ignares nous savons que les allemands sont en France et nous ne pensons pas que nos bombinettes vont égratigner les ponts hollandais. En regardant les visages, je m’aperçois que nous sommes bon nombre à penser cela mais personne n’ose devant une telle situation, l’exprimer.
Pour cette opération, l’AB1, l’AB2 et 4 sur Loire, fourniront le maximum d’effectif. Une protection rapprochée et une couverture haute sont prévues. C’est la moindre des choses dans la mesure où l’on nous envoie dans la g:"#°e du loup… Les mécaniciens passent la nuit à briquer les avions et installer les bombes sous nos ailes. Dérisoire, c’est ce qui me vient le plus vite. Exister, arrive ensuite et me décide à agir pour faire en sorte que ce « dérisoire » nous fasse « exister ».
Veillée d’armes au mess. Les uns discutent en chuchotant sur la situation inédite, d’autres écrivent une missive de peur que ce ne soit la dernière, les derniers, enfin, se murent en scrutant le fond d’un verre de Vermouth. Renée fait partie de ceux-là. Je suis à côté de lui. Les mots sont alors inutiles…
5h30. Des filets de brume s’accrochent résolument aux herbes folles de la bordure du terrain. La fraîcheur n’est pas seulement humide, elle est prégnante et saisie nos corps encore endormis. Le soldat de garde est venu tambouriner sur la porte du cabanon qui nous sert de dortoir. Fini depuis longtemps le confort de la pension de famille…
Le café trop chaud de la cantine nous écorche la langue. Tout les équipages sont présents, hagards. A travers la fenêtre, le soleil darde ses premiers rayons. Il me revient alors des souvenirs de jeunesse. Parfois, mon oncle passait me chercher à l’aurore. Nous sortions sans faire de bruit pour ne pas réveiller mes parents qui savaient bien ce qui se passait. A l’extérieur, il récupérait son fusil qu’il avait laissé au pas de la porte et nous partions pour ce qui, pour moi, était une grande aventure. Nous étions les premiers à fouler les prés et, les pieds trempés de rosée, nous étions les premiers à goûter ce miracle du soleil qui se lève. La chasse n’était qu’un alibi, nous préférions voir et observer les biches, surprises de si bon matin, détalées à l’abri des sous bois. Nous rentrions vers 11 heures, moi, fourbu et affamé, à la maison. Ma mère, alors faussement inquiète, nous lançait des regards entendus, contente de voir qu’à la mi-journée, celle-ci était déjà bien remplie.
Voilà, je me laisse encore gagner par cette douce torpeur.
- « Jean, tu rêves encore ? »
Je voudrais tant dire à ma mère qu’après manger, je voudrais aller faire la sieste. Mais c’est René qui m’interpelle, nous sommes les derniers. Les autres sont déjà aux informations de vol. Nous courrons comme des fous et nous entrons en trombe dans la salle bondée. La réunion est commencée et notre cavalcade ne passe pas inaperçue… Bon, nous n’avons pas raté grand-chose et nous notons toutes les infos du vol qui sur un bout de papier, qui sur le dos d’une main, qui d’autre encore sur un paquet de cigarettes…
6h45. La réunion est terminée et nous nous dirigeons vers les avions qui nous attendent. Les « graisseux » sont à côté, fiers de leur travail. René est toujours gentil avec eux. Leur boulot n’est pas simple et, surtout, peu récompensé. Les « volants » ne leur sont souvent guère reconnaissants du travail accompli. Ils se contentent de peu et vivent parfois dans la misère : je ne les envie pas. Nous échangeons quelques mots, un regard, un sourire ou une tape sur l’épaule suffisent à les remercier et à les valoriser un peu. Ils savent aussi que dans quelques heures, c’est nous qui n’auront pas une place enviable…
Nous faisons le tour de l’avion. Il est prêt. Il en est presque fier. Ses deux bombes le rendent même agressif ce qui semble normal en temps de guerre. Oserais-je dire qu’il ne ferait pas de mal à une mouche ? J’en sourirai presque en d’autres temps.
Nous grimpons avec nos harnachements à bord. L’installation est consciencieuse et les vérifications dûment faites. René vérifie ses paramètres de vol et moi, je me charge de la radio. Je jette un œil aux chargeurs de la mitrailleuse et soulève chaque pan pour bien vérifier le niveau de remplissage. La mitrailleuse, enfin, fonctionne bien sur son axe. Je lui attèle son premier chargeur et amorce la première cartouche, prête à être armée. Je lui donne une petite tape qui à la même fonction que celle donnée aux mécanos tout à l’heure : histoire de l’encourager, on ne sait jamais… Je referme enfin les verrières car il fait encore trop froid. René me demande par l’interphone si je suis paré.
- « Oui, René, paré »
Le feu de l’action me fait perdre mes moyens et ma réponse est bien peu protocolaire mais René s’en contente et concentré, me lance :
- « Alors, on y va. »
J’entends les contacts électriques qui donnent les premiers signes de vie à l’avion, puis le démarreur prend le relais dans le chahut qui va crescendo. Chaque cylindre lance sa sarabande personnelle dans une sorte de cacophonie infernale. L’orchestre s’échauffe. L’union de cet ensemble ne tarde pourtant pas. Le moteur hoquète maintenant d’abondants nuages de fumée blanchâtre par ses échappements puis se calme et offre une musique assourdissante et mélodieuse. Nous devons attendre maintenant que les températures montent. Bien que les moteurs aient été chauffés, par ce froid matinal, ils redescendent assez vite en température. René augmente les tours, le vacarme augmente également et le moteur a quelques ratés de mécontentement mais il se calme et retrouve son unité rapidement. Nous attendons dix minutes que le cirque commence. Nous faisons partie d’un dispositif de six avions qui, en vol, seront disposés en flèche. Nous serons à droite en numéro deux. En arrivant sur l’objectif, nous adopterons une autre disposition à deux avions qui se suivront sur la cible. Le rendez-vous avec les Loire doit être précis, ils sont plus lents et nous leur laissons prendre un peu d’avance.
Enfin, l’ordre de décollage.
Ce qui m’avait paru être une musique forte et harmonieuse se déchaîne d’un coup sur l’ordre de René. Le roulage est plus long que d’habitude ; dans l’air frais du matin, nos ailes ont un peu de mal à nous porter. Toute la carlingue est secouée terriblement mais le calme, tout relatif, revient quand les roues ont quitté le sol. Je devine au bruit le train qui s’efface dans les ailes. Nous prenons un peu d’altitude en tournant autour du terrain pour permettre aux autres avions de rejoindre la formation. Au bout de quinze minutes, le chef de vol prend son cap et nous le suivons docilement.
Le temps qui annonçait une belle journée ce matin se détériore à mesure que nous nous enfonçons vers le nord. Nous traversons de petits nuages qui nous effacent quelques secondes l’horizon. Nous espaçons un peu la formation. Nous essuyons nos premiers tirs de DCA avant même de quitter la France. Les flocons s’égrènent sur notre gauche très imprécis. Le temps passe et nous ne voyons toujours pas les Loire et encore moins la fameuse escorte de chasse. Il faut se rendre à l’évidence, les rendez-vous sont manqués… D’un geste du chef de groupe, nous nous mettons en formation d’attaque. J’ouvre ma canopée et sort ma mitrailleuse. Les lunettes sur les yeux, je scrute le ciel à la recherche de quelques points suspects. Du coup, je ne suis plus notre progression et ne m’aperçois pas que nous perdons de l’altitude. Les ponts ne sont plus très loin. La DCA reprend, plus proche, plus précise. Je rentre alors la tête dans mes épaules pour éviter de mauvais coups. René accélère. Sa visée se fait au juger. « Clang ! Clang ! » Nous sommes touchés ! Non, ce sont les bombes qui viennent de se décrocher. Elles tombent et l’avion fait un bond. Nous nous éloignons à la vitesse maximum. Ce n’est qu’à l’abri des éclats d’obus que nous reprendrons de l’altitude et le cap retour. Je jette un dernier regard sur les ponts et je vois deux grands cercles d’écume blanche qui s’étendent bien loin du tablier du pont. Manqué.
Je ne m’attarde pas à cet échec et regarde méthodiquement aux alentours. Le ciel est bleu et je verrai venir de loin d’éventuels assaillants. Cela ne tarde pas, d’ailleurs, au loin, dans nos sept heures, j’aperçois des points, deux, qui deviennent des croix rapidement, trop rapidement à mon goût. J’avertis René qui tente de prendre la vitesse en piquant légèrement. Il se ravise et redresse le nez. En me tournant, je comprends sa manœuvre. Il cherche l’abri des nuages en espérant les atteindre avant que les avions inconnus ne nous rejoignent.
Nous sommes seuls, notre ailier ne nous a pas suivis après l’attaque du pont. Touché ? Abattu par la DCA ? Perdu ? Je ne sais mais ce n’est pas notre souci premier…
Ce sont des Messerschmitt, je reconnais leurs lignes fines. Flairant un piège, ils ont ralenti un peu. Les nuages sont encore loin mais la ruse risque de réussir s’ils ne se décident pas. Ils ont compris la manœuvre et accélère de nouveau. Ils passent à l’attaque. Ils sont encore trop loin pour ma Darne. Le premier lâche une longue rafale qui se perd et plonge sous nos ailes. Ils sont à peu près à mille mètres, encore trop loin mais il faut que je marque mon territoire. Je tire juste pour qu’ils sachent qu’ils ne peuvent pas s’approcher ainsi de nous tout à fait impunément. Sans doute surpris, le chef dégage brusquement, laissant la place au second qui, lui, ne s’efface pas et commence à tirer. Mais où sont ces foutus nuages ? Les traceuses se rapprochent à chaque rafales. Je réplique. Il danse dans mon viseur, dérape pour dérégler mon tir mais il est plus facile pour moi de corriger que lui pour se réaligner. Cela n’en finit plus, sa passe me paraît interminable et, lorsqu’il dégage, son collègue est de retour…
Mes munitions s’épuisent déjà. Je change mon troisième chargeur. Des balles viennent déchirer l’aile droite en partie entoilée. A priori, pas trop de gravité, rien ne s’enflamme mais l’appel d’air provoqué par le trou diminue sensiblement la portance et ralenti notre progression. Cette fois-ci, mon coco, tu ne t’en tireras pas comme ça. Je continue de tirer dans sa direction mais j’ai vraiment l’impression de ne pas lui faire de mal. Je vois bien quelques impacts sur son fuselage mais il ne s’arrête pas. C’est la fin, pensais-je…
D’un coup, nous sommes entourés d’une masse blanche et impénétrable. Les nuages ! Sauvé !
A ciel découvert, il fait un froid sibérien mais l’adrénaline m’a protégé au-delà de toute espérance et je suis en sueur. Je m’aperçois que j’ai le souffle court, j’ai du retenir ma respiration pendant une grande partie du combat… Mes pieds roulent sur les douilles vides qui parsèment mon habitacle. Je puis me retourner enfin vers René. Je crie dans l’interphone, il se retourne, souriant. « Tout va bien ? » me lance-t-il. Je lui réponds avec le pouce en l’air. « J’ai pu regarder la couche, elle est assez épaisse. Je garde le cap de la France en espérant ne pas trop dévier mais je ne sors pas du nuage ». les allemands doivent nous attendre…
Au bout d’un quart d’heure, il faut bien se résoudre à quitter l’abri du nuage. Je reprends la mitrailleuse, prêt à tirer de nouveau. Le ciel est vide. J’ai beau regarder dans tous les azimuts, nous sommes seuls. René reste concentré sur sa navigation. Après deux virages très lents, ils semblent avoir trouvé ses repères et suit maintenant, un cap rectiligne. Lorsque nous passons la frontière, je retrouve moi-même mes propres repères et suis rassuré sur le sens de l’orientation de René.
Nous approchons d’Alprecht et le terrain est bientôt en vue. René semble avoir quelques difficultés à contrôler l’avion qui tangue dans l’air comme une tête marquant un tempo. Je me suis remis dans la ligne de vol et je devine plus que je ne vois, René qui a du mal avec ses commandes. Le Vough perd de la vitesse. Le train sort et j’espère qu’une balle n’est pas venue crever un pneu ou percer une canalisation hydraulique. Je distingue une fusée verte tirée de la baraque de contrôle. Tout doit aller pour le mieux. Je vois les volets qui s’abaissent doucement, freinent l’avion encore un peu plus mais lui accordent, dans le même temps, un peu de portance supplémentaire. René coupe les gaz au moment où nous touchons. Le moteur au ralenti ronronne comme si de rien n’était et nous roulons vers le hangar. René dégorge le moteur en mettant des tours et coupe les contacts. L’hélice brasse encore l’air durant quelques tours puis s’immobilise. Dans mes oreilles, le vacarme assourdissant continue par un sifflement qui couvre le silence retrouvé. Les mécanos qui se précipitent vers nous parlent mais je n’entends rien. Je les fais répéter et ne comprenant toujours rien, je lance un « oui-oui » au hasard. Ils s’en contentent et se détournent de moi. Je ne suis pas blessé. L’avion, par contre, aura besoin d’une petite révision…
Après, je ne vous embêterais plus, promis...
Philippe
Chapitre 1, 6 mars 1940
Je me dis, calfeutrer chez moi afin d’échapper à la froidure du matin, que la Nature s’est figée et attend, patiente, la fin du dégel pour commencer à revivre…
Des escarmouches ont lieu dans le nord, à la frontière avec l’Allemagne. Des avions de reconnaissance qui font leurs va-et-vient, se font avoir bêtement par nos chasseurs…
Nous continuons à recevoir au compte-goutte les Vough en provenance d’orly. Nos pilotes continuent leur conversion. Evidemment, rien à voir avec nos anciens Loire-Nieuport…Rien qu’au niveau vitesse, nous avons l’impression d’être à bord de véritables bolides. A priori, l’avion est assez docile et mon pilote est ravi de sa nouvelle monture. Nous nous entraînons activement au bombardement en piqué même si nous ne lâchons que des bombes fictives et imaginaires puisque nous n’avons pas encore reçu les lance-bombes.
Régulièrement, les équipages sont soumis aux inévitables patrouilles sur la Manche. Les nécessités de service sont ainsi, les allemands n’ont pas bougé de leurs frontières mais nous veillons. Quelques sous-marins pourraient bien avoir l’idée de venir perturber ces préparatifs. Les appareils qui y participent sont les seuls à être équipés de ce qu’il faut pour lancer quelques projectiles. Nous sommes en guerre tout de même, une guerre sans ennemis, une guerre d’opérette, une guerre de manœuvre, une drôle de guerre.
J’en ai effectué une en début de mois. L’impression au départ est toujours un peu similaire. Je me lève vers cinq heures et, encore tout endormi, je m’habille rapidement pour réveiller mon pilote dans la chambre voisine. Nous descendons dans le hall afin de déjeuner. Le café, brûlant, ne parvient pas à nous tirer de notre torpeur. Hier soir, nous avons préparé la mission avec René, très tardivement. Ce n’est pas sérieux, j’en conviens, et effectuer cette mission avec aussi peu de sommeil n’est compensé que par l’insouciance de notre jeunesse…
Quelques bâillements plus tard, nous sommes dans la Simca 5 de René pour nous rendre au terrain où notre appareil nous attend. Les mécanos, levés depuis bien plus longtemps que nous (ce sont-ils seulement couchés ?) l’ont préparé et bichonné.
Le décollage est prévu pour 7h30. Nous serons justes à l’heure. Arrivé sur l’aire de vent, nous prenons une grande gifle de froid dans la figure en descendant de l’auto. Je ne pensais pas qu’il faisait si froid. Il est vrai que devant la pension de famille, nous étions à l’abri des grands pins maritimes de la propriété, tandis qu’ici…
Nous nous engouffrons dans le vestiaire des navigants pour revêtir nos tenues de vol (je cherche un pull ou deux de plus à mettre mais ne trouve rien, malheureusement). Puis, nous passons au contrôle enregistré notre vol qui est prévu au planning depuis la veille. Une dernière tasse de mauvais café et nous rejoignons l’avion.
Il a été sorti du hangar et sa silhouette qui se dessine sur les lumières de l’atelier lui donne une allure fantomatique. Je sais bien qu’il est dépassé comparé à ce qui se dit sur les performances du Messerschmitt mais il n’empêche. Il est gracieux et presque beau. Bientôt, je vais mettre ma vie entre ses ailes et j’ai très envie qu’il me prenne en pitié. Je ne dirai rien de mal : j’en deviendrai presque superstitieux…
Nous faisons le tour du propriétaire, tout semble être correct et nous montons à bord. Chacun à sa tâche, René au contrôle du vol, moi, à la radio et à ma mitrailleuse. Voilà bien quelque chose qui ne change pas puisque c’est la Darne que nous connaissons bien. Essai radio rapide, cela marche mal, comme d’habitude et René met en route. Nous fermons les vitres, il fait déjà trop froid à l’extérieur, inutile d’en rajouter à l’intérieur…
Seuls dans le circuit, René décolle directement et nous prenons le cap vers la mer. Alprech est encore endormi et lorsque nous survolons Boulogne, les formes de la ville se dessinent sur l’aurore qui pointe à l’horizon. Notre passage n’éveille nul guetteur et la DCA reste muette. Drôle d’époque, drôle de temps, drôle de guerre…
Une fois sur le Chanel, je m’empresse de tirer sur l’ordre de René une fusée de reconnaissance à l’adresse des convois anglais que nous survolons pour les protéger. Il ne s’agit pas qu’ils nous prennent pour un allemand en maraude, même s’il y a peu de chance pour que l’un d’eux arrive jusqu’ici, à cause de l’autonomie. Mais les anglais sont nerveux et il est déjà arrivé que nos avions soient touchés sans gravité, heureusement, durant ces missions de protection. J’ai toujours trouvé ces situations idiotes, tragiques et surtout vaines. Mourir pour son pays est une chose, nous y avons été préparés et nous sommes en mesure de faire ce sacrifice. Mais tous ces braves de la Grande Guerre, morts pour une erreur de jugement, ne sont pas disparus pour leur pays : ils sont morts bêtement…A quoi peut se résumer une vie ; elle est tout pour nous et nous sommes bien peu de choses pour elle. Et il nous faut cependant la remercier à chaque fois que nous nous posons entier. Que dirons-nous lorsque nous ne reviendrons pas ?
Après deux heures de vol, nous rentrons à Alprech. Il fait jour mais la température n’est guère montée et une fois le moteur arrêté et les contacts coupés, nous nous empressons, René et moi, vers le mess pour nous réchauffer.
- « Bonjour, dit le barman de service (en fait un de nos pilotes qui assure ce rôle jusqu’à l’arrivée d’un planton), alors ? quoi de neuf ?
- Pas grand-chose, lui dit René, nous avons survolé trois convois sans voir en l’air âme qui vive.
- Bon sang, lui répond Jean, quand est-ce que ça va commencer !!
- Oui, au moins, sur le Béarn, on voyait du pays…Sers nous quelque chose de chaud parce que là-haut, si n’y a pas de boches, y’a du froid !!
- Ah, ah, ah, sacré René, asseyez-vous, j’vous amène du café et petite goutte que j’ai dégotté dans une ferme près d’ici. »
Voilà nos journées.
Nous regrettons parfois l’ambiance de Cuers lorsque nous avons appris à connaître le Vough. Il y avait tellement de choses à faire, de plaisirs à saisir. Et puis, il y avait le soleil qui nous brûlait la peau ainsi que celles de nos petites « amies » avec qui nous passions tout le reste du temps où nous ne volions pas…Mais nous étions loin des combats – et quels combats !! – pour lesquels nous étions préparés. Au soleil, en sécurité, il est toujours facile de dire que l’on veut en découdre mais là, si loin, dans la froidure où l’inactivité nous guette, à quoi servons-nous ?
Décidément, cette drôle de guerre ne vaut rien pour le moral…
Chapitre 2, 11 juillet 1939.
Toulon. Sa rade. Le soleil se couche.
Marchant sur le pont du Béarn, je savoure les derniers instants à passer à bord. Le porte-avions, notre porte-avions, est amarré solidement et reste insensible à la beauté du soir. En pensant cela, je me dis qu’il est un peu ridicule de personnifier ainsi des machines. Superstition, peur du marin face aux éléments démentiels de la mer, je ne sais mais nous n’échappons pas à cette peur ancestrale. En parlant avec les matelots du bord, je me suis aperçu que chacun d’eux avait sa manière de conjurer le sort. Les uns ne prononçaient pas certain mots, d’autres touchaient une icône loin des images pieuses que me donnait ma grand-mère, enfant…Les officiers n’y échappaient pas. Leurs manières étaient sans doute moins démonstratives – il fallait maintenir l’étiquette – mais elles existaient. La plupart mettait un point d’honneur à porter l’uniforme d’une manière impeccable mais ce que l’on aurait pu prendre pour des coquetteries, révélait de manière certaine leur crainte. Une épaulette plus haute que l’autre, un bouton cousu à l’envers, avec l’ancre de marine tournée vers le bas, tous portait cela comme une tradition.
Nous autres, navigants, étions partie prenante de ce cérémonial toléré par la Marine. Ne parlions-nous pas à nos appareils comme le jockey peut le faire en parlant à l’oreille de son cheval juste avant une course ? A bien des égards, nous ressemblions aux marins. Il en va sans doute ainsi de tous les hommes qui défient la Nature. Face à leur impuissance, ils se construisent des relations divines qui, s’imaginent-ils, vont les protéger. Une bien faible protection, en fait, qui les rassurent mais ne les sauvera pas…
D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu maîtriser mon destin. Fils de maréchal ferrant, je n’ai pas voulu poursuivre la tradition familiale. La proximité des chevaux, ces grands animaux aux grands yeux et à la bouche énorme, me faisait peur. L’âge n’y a rien fait. Après l’école, je traînais toujours le long du canal à l’affut d’un exploit à réaliser. J’exterminais des hordes de fourmis menaçant mon pays, je pourchassais les oiseaux dont je jalousais l’inaccessible pouvoir de voler, je bombardais les araignées d’eau, sorte d’Invincible Armada qui menaçait aussi nos côtes. Lorsque je rentrais, ma mère me grondait pour mes bêtises alors que j’avais sauvé mon pays tout entier à moi tout seul. Mon père, lui, ne disait rien et surtout ne me parlait pas de la guerre. Je lui ai posé des questions parfois mais il éludait ses réponses, les diluait dans d’interminables méandres, si bien qu’au bout du compte, je les avais oubliés… je savais qu’il avait participé à la Grande guerre mais ce qu’il avait du y voir, ne devait pas être racontable. Seules, quelques cicatrices témoignaient pour lui de ses combats et les traits de son visage dur cachaient bien d’autres souffrances, plus profondes…
Les méandres de l’esprit sont étranges. Ils vous embarquent et vous entraînent sans vous en apercevoir pour vous lâcher à l’improviste. Je suis abasourdi et je marche toujours sur le vieux pont. Cette fois, la nuit est tombée. La mémoire revient, les ordres et les rumeurs de guerre.
Le premier porte-avions français n’a jamais connu la guerre, ce pourquoi il a été construit, et déjà on le juge trop vieux. Il est vrai qu’il ne va pas bien vite et que le nombre des avions qu’il embarque est bien inférieur à celui que peuvent porter les bâtiments anglais. En trois ans, à son bord, j’ai appris à le connaître et à l’apprécier.
Demain, je le quitte. Mon escadrille rejoint Cuers où, paraît-il, nous allons recevoir de nouveaux avions. On parle de nouveaux Loire-Nieuport mais la rumeur la plus sérieuse concerne l’achat d’avions aux Etats-Unis, des Vough 156 et nous en rêvons la nuit...
Nous débarquons sous un soleil de plomb. Il est à peine 9 heures et déjà, les températures sont insupportables. Pour le coup, l’uniforme et nos équipements sont bien lourds à porter. Un camion nous conduit à la gare. A travers la ville, nous retrouvons l’atmosphère du pays. Elle nous apparaît, cependant, lointaine, uniquement parce que nous n’y sommes plus habitués. René n’a pas l’air plus à l’aise que moi. Abruti aussi bien par la chaleur que par le tumulte, l’étroitesse des wagons nous achève et nous sombrons dans un sommeil profond.
Nous avions longtemps espéré avoir quelques jours de permission après cette croisière mais l’époque est aux préparatifs et l’on ne prend plus le temps. Nous nous reposerons à la base, du moins, c’est ce que l’on espère…
Notre arrivée n’est guère plus triomphale que notre départ et l’on nous jette – comment dire autrement ? – devant le mess. Après les présentations d’usage et notre installation, nous voulons savoir et découvrir nos nouvelles montures. Les chambrées se trouvent dans le prolongement du mess. Suivent ensuite, les bâtiments administratifs et, surplombant le tout, la tour de contrôle aérien. Plus loin, encore, les hangars qui abritent les avions sont alignés devant un tarmac en béton, luxe des temps modernes…
Un officier nous fait visiter ces installations et nous découvrons enfin les avions qui nous sont destinés. Alignés comme à la parade, resplendissants, tout neufs, ils ont fière allure !!
La visite se termine par ce que l’officier prend pour le clou de cette base : sa piscine…
Rapidement, l’impatience d’y plonger prend le pas sur la découverte des Vough !!
Quelle délectation, quel plaisir !!
Le soir, au mess, les conversations vont bon train entre les anciens et les nouveaux que nous sommes. Quelques verres suffisent à délier les langues, non pas sur les performances de nos oiseaux métalliques mais sur l’environnement féminin de Cuers… Les bonnes adresses sont vite prises…
En attendant le dimanche suivant, on nous laisse dans l’enceinte de la base profiter de la fameuse piscine et lézarder au soleil. René peut peaufiner sa connaissance du carnet technique de l’avion. Mes séances de travail sont plus longues car si l’arme de défense qui équipe l’avion est française, une Darne que je connais bien pour l’avoir eu sur mes précédents avions, en revanche, l’équipement radio est nouveau pour moi. En fait, j’ai reçu une formation de radiotélégraphiste mais les postes émetteurs n’étaient pas très répandus dans l’aviation embarquée. Il apparaît après mes premiers essais de la radio du Vough que celle-ci n’est guère plus performante que les autres… Heureusement, il reste le morse et je dois m’y replonger ardûment pour ne pas être en retrait de mes camarades… La semaine prochaine, il y aura les premiers vols de prise en main et nous pourrons peut-être participer à certain d’entre eux.
Dans l’un des hangars, les mécaniciens ont installé une sorte de maquette grandeur nature du poste arrière du « Vindicator », qu’ils appellent « simulateur » et, à tour de rôle, nous nous y installons pour nous entraîner aux différentes procédures : essai radio, déploiement de la mitrailleuse, démontage… Au champ de tir, nous effectuons des passes avec ces fameuses pétoires et nous apprenons que nous ne pourrons pas faire grand mal avec… Leur portée est ridicule et, en vol, pour qu’un assaillant soit à portée, il pourra nous abattre bien des fois avant que je puisse avoir une chance de faire mouche… On nous donne même des rudiments de pilotage car mon poste peut être équipé d’un second manche au cas où le pilote serait touché. Je vole même avant René, avec un instructeur, dans un Morane 230. C’est encore plus merveilleux que le seul vol. On est maître de l’avion, on fait corps avec lui. Il est notre prolongement. Je suis devenu, l’espace de quelques vols, l’égal d’un oiseau.
René, par contre, est un peu déçu. Les attentes qu’il pouvait avoir ne sont pas à la hauteur. Certes, la vitesse est plus grande que tous les appareils de bombardement de la Marine mais elle n’est pourtant pas si impressionnante. Ses caractéristiques de vol ne sont pas, non plus, très affriolantes. « Ceux qui ont conçu cet avion n’ont pas pensé que des chasseurs pouvaient nous attaquer !! Il vole droit, c’est déjà un début… Pour le reste, il faudra attendre le suivant… », me dit René, quelque peu dépité.
Ces préoccupations sont vite oubliées. Nous nous préparons pour aller au bal. Uniforme de sortie, galons astiqués, chaussures cirés, nous sommes prêts. Dans notre empressement, nous oublions tous les usages et filons en nous cachant du planton de garde.
La guinguette est inondée de soleil. Les tables sont disposées à l’ombre des arbres qui abritent également le bar, le nerf de la guerre, en tout cas de cette guerre là. René ne tarde pas à trouver son bonheur dans les bras d’une grande fille aux cheveux noirs. Sacré René ! Qu’importe la beauté, pourvu qu’on ait l’ivresse… Après tout, il n’a pas foncièrement tord.
Je reste au bar un moment, sirotant un verre de Pastis. A avoir attendu toute la semaine ce moment, je ne me sens plus d’humeur à compter fleurette. Pourtant, les filles sont nombreuses, elles ont du apprendre qu’un nouveau contingent de pilotes arrivait à la base. Elles sont là pour nous voir. Elles sont là pour s’amuser et en profiter ne sachant pas ce que serait fait le lendemain. Cette sinécure me lasse et je décide de finir mon verre et de partir me promener en ville.
Elle était là.
Au moment où j’allais me retourner pour sortir, elle m’apostropha.
-« Il fait trop chaud ici aujourd’hui. Je n’aime pas danser. Voudriez-vous me raccompagner ? »
-« Je n’aime pas beaucoup cela non plus et oui, je peux vous raccompagner… »
Elle était grande, comme la girafe que René avait choisie. Mais sa prestance était tout à fait différente. Sa chevelure châtain soulignait son visage aux traits fins. Elle avait la peau blanche et satinée. Son cou surplombait de gracieuses épaules à l’ombre de ses cheveux. Elle avait des gestes simples, lents qui augmentaient encore sa grâce. Sa robe mettait bien en valeur sa poitrine qui, sans être, imposante, attirait immédiatement l’œil. Sa taille n’était pas seulement fine, elle aurait damné un ingénieur des ponts et chaussées tant elle était parfaite. Ses jambes, enfin, l’élançaient et participaient à l’impression mutine que je ressentis tout de suite. C’est ainsi. On ne s’y attend pas. On se croit maître de sa destinée et un seul être vient tout remettre en cause…
Il n’y a pas grand monde à Cuers le dimanche après-midi. Il fait sans doute trop chaud. Nous avons également trop chaud mais nous avons certainement d’autres préoccupations… Elle m’a tenu la main le plus naturellement du monde et nous avons marché dans la ville. Elle m’en a montré les curiosités et, pour finir, nous nous sommes allongés dans l’herbe du parc déserté. Nous nous sommes racontés nos vies. Ma vie était certainement plus aventureuse que la sienne mais ce n’était rien. Je me rendis compte que la simplicité de sa vie me passionnait.
A force de parler, le temps passa et la chaleur décrut. Je devais rejoindre mes quartiers et nous séparer. Le silence de nos regards parvenait à gagner encore quelques instants de sa présence. Nos lèvres finirent par se trouver et nous nous embrassâmes.
-« Alors, tu es parti avec Valentine, mon cochon !! C’est ma Paulette qui vous a vu et me l’a dit !! »
Mon Dieu, c’est vrai… Suis-je bête !! Je ne lui ai même pas demandé son nom. Quelle cruche, je fais. René s’aperçoit de mon air étonné et comprend tout de suite.
-« Eh bien, Môssieur se la joue grand seigneur, l’air de rien. Il se laisse aborder, conclut et au revoir la compagnie. Ah, on peut dire que tu sais mener ton affaire, toi…Un vrai Don Juan !! »
-« Arrête, t’es con… »
-« Oh, pardon, excuse-moi ! C’est qu’en plus, elle t’a fait son gringue et, toi, tu as marché ? »
René n’a pas tord. J’ai été entrainé dans un flot de bien être. Est-ce la croisière ? Le contact et la promiscuité du bord ont-ils eu raison de mon sens commun ? Pourtant, j’étais heureux. Valentine m’a fait renaître à la vie. Face à ma destinée, je ne pouvais plus être seul à la regarder, à la toiser. Il me fallait être deux.
La semaine fut interminable. L’instruction me parut insipide. Entre la mise au point des avions, l’entrainement des pilotes et celui de leurs mitrailleurs et la piscine, je n’attendais que le moment de la revoir.
Je n’eus même pas besoin de retourner au bal, elle m’attendait à la sortie de la base.
-« Bonjour », me dit-elle
-« Bonjour », lui répondis-je le plus platement du monde.
Le silence qui s’ensuivit était insupportable mais, en même temps très doux… nous n’étions déjà plus qu’un. Mes yeux la caressèrent et elle frissonna. Sa main droite balaya ses cheveux et j’en ressenti la douceur sur ma joue.
-« Allons nous promener dans la campagne, j’ai apporté un pique-nique. Je me suis inquiétée, je ne connaissais pas votre nom. Je savais que les pilotes pouvaient sortir le dimanche, alors, je suis venue. Vous ne m’en voulez pas ? Je m’appelle Valentine… »
Je restais là, subjugué par sa voix. Elle due s’apercevoir de mon émoi. Elle sourit.
-« Non, non, bien sûr, je ne vous en veux pas !! Je pensais bien vous retrouver avec Paulette… »
-« Paulette ! C’est mon amie. Elle est un peu…disons qu’elle profite de la vie… René est gentil, c’est lui qui m’a dit de venir vous voir l’autre jour au bal… »
Le salaud !! Brave René, trop gentil…S’il savait… mais je crois qu’il sait déjà.
-« je m’appelle Jean. »
Chapitre 3 : 10 avril 1940
Cette guerre qui n’a de drôle que le nom commence à nous peser. A quoi rime ce calme qui perdure depuis septembre ? Huit mois d’escarmouches, d’embuscades en tout genre d’un côté comme de l’autre… Nous patrouillons toujours dans la Manche à l’affut des U-boot que l’on dit redoutables depuis la première guerre mondiale. Parfois, ils nous arrivent de nous poser en Angleterre où nos camarades anglais nous reçoivent cordialement à grand renfort de pintes de bière. Nous devons soutenir l’honneur de la Marine et ces virées se terminent le plus généralement par un mémorable mal de tête.
Je pense à Valentine et j’essaye de lui écrire tous les jours. Ce n’est pas toujours évident et la censure doit veiller au maintien du moral de l’arrière. J’envie souvent les camarades de l’AB3 qui nous ont succédé à Cuers, au moins, je serai près d’elle…
L’autre jour, en Angleterre, René et moi avons vu, pour la première fois un Spitfire. Il est magnifique et le bruit de son moteur résonne encore dans nos oreilles. Il est plein de la puissance tranquille du caractère anglais. Son ronronnement est sourd mais l’on sent derrière toute la hargne d’un peuple toujours sur le qui-vive. Ses formes sont harmonieuses tout en rondeurs élancées… Quand je pense que je n’ai pas encore eu l’occasion de voir un Dewoitine 520 dont on nous rebat les oreilles de l’autre côté…
Elle me répond rarement, me disant que tout va bien, qu’elle ne manque de rien et qu’elle pense à moi. Je comprends à travers ces mots qu’elle s’inquiète pour moi et qu’elle ne voudrait pas, à force d’écrire, me transmettre ses peurs et ses angoisses.
Lors d’un vol d’essai, au-dessus du Havre, nous nous sommes payés la peur de notre vie. Loin du front, les seules craintes que nous aurions pu avoir étaient de prendre un coup de DCA mal placé. Tout occupés, René et moi à scruter la terre, nous n’avons pas pris garde à surveiller nos arrières et nous nous sommes fait coiffer par une patrouilles de Potez bimoteurs de chasse. Sur le coup, je me suis dit que nous étions attaqués mais ce n’est qu’au ricanement des pilotes à la radio que j’ai compris ce qu’il en était. Quelle bande de gamins !! Si je n’avais pas calmé René au saut de l’avion, je pense qu’il aurait été s’expliquer avec ces pilotes. C’est d’autant plus idiot que ma mitrailleuse était prête et armée. Il s’en est fallu de peu que j’appuie sur la détente…
L’esprit de corps disparaît, l’idée de Nation s’évapore. Je pense qu’après la Grande Guerre, les gens étaient si meurtris qu’ils ne pensaient plus guère à autre chose qu’à profiter de la vie. « Nous sommes vivants, voilà l’essentiel !! » C’est sans doute un peu réducteur. La grandeur d’un peuple ne se mesure plus à sa faculté de se faire massacrer sur un champ de bataille. Mon père est mort des années plus tard des suites de ses blessures. Gazé dans les tranchées en 1916, ses poumons n’ont pas résisté à l’usure du temps. Il s’est étouffé. Que sommes-nous face à l’histoire du monde ? Ont-ils, par ces idées de Nation et de sacrifice fait avancer la civilisation ? Mon père est mort deux fois, par la guerre et par les désillusions qu’elle lui a causées. Les millions de soldats tombés pour la France, pour le monde, auraient dû avoir assez de poids pour empêcher qu’un nouveau désastre ne se produise. Vingt ans plus tard, nous nous apprêtons à commettre les mêmes erreurs. « Plus jamais ça !! » disait-on alors, quelle connerie !! Et moi, dans tout ça, je fais mon métier de militaire, j’obéis. Il est tellement plus pratique d’obéir par obligation que par conviction. Ainsi, je suis tranquille. La vie continue, avec des œillères, pour seules contraintes. C’est la guerre ? Et alors, nous serons tous morts demain pour un idéal fantoche, tout ça parce qu’un hurluberlu farfelu, ivre de vengeance, a décidé pour tout le monde qu’elle était la meilleure voie.
J’ai le temps de penser à tout cela entre les vols et l’horizon devient chaque jour plus morose. C’est mon métier. Je ne le fais pas pour la Patrie, ni même pour l’honneur. Ces termes ne sont plus rien, ils n’ont plus aucun sens. Je le fais pour sauver ma vie. Lorsqu’un allemand, un grec ou un chinois me tiendra dans son collimateur. Je n’aurai que ce pouvoir d’essayer de défendre ma vie. Pas de grands idéaux, juste ce besoin vital de revoir le lendemain, de revoir Valentine.
Chapitre 4 : 10 mai 1940
« Mon très cher Jean,
J’espère que tu te portes bien. Tu dois avoir bien froid mais, heureusement, les beaux jours reviennent. Tu me manques terriblement et chaque jour qui passe est une souffrance. Auras-tu une permission ? Il me tarde de te voir.
Chaque matin, je vais travailler et, en me levant, je ne puis m’empêcher de repenser à notre rencontre. Il faisait si beau. Chaque minute qui passe me ramène à ton visage. La journée est longue dans l’attente, les semaines n’en finissent plus de défiler. Tes lettres sont d’un grand réconfort et je suis heureuse de savoir que tu ne t’exposes pas trop. Les nouvelles ne sont pas réjouissantes et l’on dit que les allemands pourraient bientôt attaquer. Heureusement, ton unité n’est pas si proche de la frontière.
Ici, tout a augmenté, la vie n’est pas aussi facile qu’avant la guerre. Un rationnement a été mis en place et, bien que cela soit préventif, le régime est difficile à supporter. L’esprit qui régnait avant avec les rêves de vacances et les syndicats, est bien loin. Aujourd’hui, plus question de grève pour un oui ou pour un non, l’effort de guerre est présent et doit être soutenu. Pourtant, il y a encore des secousses et, malgré la guerre, les syndicalistes veillent aux acquis sociaux. Il me semble qu’en ce moment, il y a bien autre chose à penser. L’autre jour, l’un d’eux est venu à l’atelier. Il nous a posé des questions sur notre travail puis il nous a raconté que la guerre ne durerait pas et surtout qu’elle était un prétexte pour casser les efforts des travailleurs français. Certaines d’entre nous semblaient subjuguer par ce discours. Pas moi. La guerre est peut-être un vaste alibi pour enrichir les grandes familles, elle fait surtout que tu es loin de moi.
La base où tu étais, abrite maintenant de nombreux avions. Le bruit court que les Italiens, alliés des allemands, pourraient entrer dans la guerre contre nous. Nous ne sommes pas rassurés mais, comme tous les bruits, je me doute bien qu’il y a autant de chance que ce soit vrai ou faux. Néanmoins, j’ai aménagé dans la remise de la maison un abri de fortune où je ne craindrais rien.
Prends bien garde à toi, mon aimé. Je t’embrasse très tendrement.
Ta Valentine. »
J’ai reçu cette lettre ce matin et je ne cesse de la relire depuis. L’alerte maximum a été envoyée aux unités hier au soir. Nous ne savons pas grand-chose de plus et les vols du matin sont maintenus. Vers 11 heures, nous apprenons que les armées allemandes sont entrées en Hollande et qu’elles progressent rapidement vers la Belgique. Nous en concluons que notre propre armée va venir secourir les Hollandais et les Belges qui appellent au secours. A 13 heures, René et moi décollons pour la patrouille. La nouvelle de l’offensive allemande a pour effet de réveiller les défenses des villes plus vigilantes qu’à l’habitude. Depuis notre mésaventure avec les Potez, je m’arque boute sur ma Darne en surveillant le ciel. D’autant plus maintenant…
Chapitre 5 : 16 mai 1940
C’est le printemps depuis un moment déjà. La nature après avoir supporté l’hiver rude se remet doucement et se réveille de sa longue hibernation. Il est vrai que nous n’avons guère le temps de nous en préoccuper. Pourtant, afin de ne pas perdre tout repère, je me force à y penser. Combien de combattants ont perdu ainsi la raison parce qu’ils n’avaient plus de moyens de se raccrocher à la vie. L’horloge du temps nous le rappelle toujours mais si nous ne l’écoutons pas… En fait, c’est un juste équilibre. Il faut avoir ces liens qui nous attachent mais trop leur donner d’importance nous éloigne du devoir. Je me suis souvent laissé piéger à ces rêveries et il est toujours difficile de trouver une bonne raison pour retourner aux futilités quotidiennes, fut-ce la guerre…
Le terrain a été bombardé à plusieurs reprises par des avions allemands. Des Vough ont été détruits et quelques équipages ont eu la possibilité de partir quelques jours chercher de nouveaux avions à Lann Bihoué. J’en fis partie. Le premier soir fut pour nous l’occasion de nous reposer loin du tumulte des combats. La journée du lendemain fut assez longue : ordre, contrordre, formulaires à remplir sans fin, officiers obtus bien loin de la réalité des choses et pour finir, les avions qui ne sont pas tout à fait prêts. Il nous faut attendre un jour de plus pour qu’ils le soient. Le soir est magnifique. Le soleil d’un rouge sanglant se couche dans les flots à l’horizon. Pour accentuer encore sa tonalité, le ciel recueille quelques rayons qui deviennent pastels à mesure qu’ils s’éloignent. Ces moments, je les ai vécus tant de fois. Pourtant, ils sont toujours aussi imposants et immenses. Je n’existe plus, microbe dans l’univers infini. Si je mourrai demain, il ne resterait rien. La seule trace qui subsisterait se trouve dans les yeux de Valentine…Combien de temps ?
Que suis-je venu faire dans cette galère, la vie s’enfuit et je n’en profite pas avec celle que j’aime !
Si j’avais su alors, aurais-je agi autrement ? En sachant ce qui arriverait, aurais-je pu influencer ce néfaste destin ? Je n’aurais pas déserté, je participe à ma mesure à la défense du pays, de la Nation. Cet ensemble d’homme qui fait que l’on n’est pas seul dans l’univers, qui implique que l’on fasse partie de quelque chose de plus grand. Quand on y pense, c’est assez ridicule. Pour être quelque chose dans cet univers, il faudrait être un soleil. Même : un soleil qui disparaît, c’est une étoile qui s’éteint. Le verrait-on dans la nuit ? Sans doute pas…
Alors ? Alors, je resterai à défendre ma pauvre existence dans le secret espoir de revoir Valentine et de me payer de ce que la vie me donnera.
Je me suis fait piéger. L’intelligence n’est pas d’inventer de grandes choses mais bien de s’étourdir de notre petitesse… Je me couche bien loin des souffrances de la guerre ce soir-là.
Le lendemain, retour aux affaires, les avions sont prêts à être convoyés. Nous atterrissons à Alprech en fin de matinée. La situation de l’Armée française est catastrophique. Entraînés au nord, nos meilleures divisions ont dégarni notre flan Est et la Wermarch qui n’avait finalement fait qu’une grande diversion en Belgique et en Hollande, s’engouffre au cœur du pays. Chaque jour, que dis-je, chaque heure nous rapproche de l’inéluctable : nous sommes battus. Les pensées de la veille me reviennent en mémoire. Le terrain d’Alprech est dans une incroyable effervescence. D’un bout à l’autre, les rumeurs les plus folles circulent. Nos chefs ont quelques hésitations sur les décisions à prendre. En fin d’après midi, le calme revient quelque peu et la discipline reprend le dessus. Des ordres de l’Etat-major sont enfin parvenus jusqu’à nous. Vers 20 heures, nous apprenons que les avions seront gréés de bombes et que l’on nous envoie avec les Loire, bombarder des ponts en Hollande… Nous n’en croyons pas nos oreilles, les allemands s’approchent de Paris et l’on nous envoie au diable Vauvert bombarder des ponts alors que nous n’y sommes pas préparés. L’on nous explique que cette action fait partie d’une stratégie d’ensemble à laquelle nous n’entendons rien. En attendant, nous, les ignares nous savons que les allemands sont en France et nous ne pensons pas que nos bombinettes vont égratigner les ponts hollandais. En regardant les visages, je m’aperçois que nous sommes bon nombre à penser cela mais personne n’ose devant une telle situation, l’exprimer.
Pour cette opération, l’AB1, l’AB2 et 4 sur Loire, fourniront le maximum d’effectif. Une protection rapprochée et une couverture haute sont prévues. C’est la moindre des choses dans la mesure où l’on nous envoie dans la g:"#°e du loup… Les mécaniciens passent la nuit à briquer les avions et installer les bombes sous nos ailes. Dérisoire, c’est ce qui me vient le plus vite. Exister, arrive ensuite et me décide à agir pour faire en sorte que ce « dérisoire » nous fasse « exister ».
Veillée d’armes au mess. Les uns discutent en chuchotant sur la situation inédite, d’autres écrivent une missive de peur que ce ne soit la dernière, les derniers, enfin, se murent en scrutant le fond d’un verre de Vermouth. Renée fait partie de ceux-là. Je suis à côté de lui. Les mots sont alors inutiles…
5h30. Des filets de brume s’accrochent résolument aux herbes folles de la bordure du terrain. La fraîcheur n’est pas seulement humide, elle est prégnante et saisie nos corps encore endormis. Le soldat de garde est venu tambouriner sur la porte du cabanon qui nous sert de dortoir. Fini depuis longtemps le confort de la pension de famille…
Le café trop chaud de la cantine nous écorche la langue. Tout les équipages sont présents, hagards. A travers la fenêtre, le soleil darde ses premiers rayons. Il me revient alors des souvenirs de jeunesse. Parfois, mon oncle passait me chercher à l’aurore. Nous sortions sans faire de bruit pour ne pas réveiller mes parents qui savaient bien ce qui se passait. A l’extérieur, il récupérait son fusil qu’il avait laissé au pas de la porte et nous partions pour ce qui, pour moi, était une grande aventure. Nous étions les premiers à fouler les prés et, les pieds trempés de rosée, nous étions les premiers à goûter ce miracle du soleil qui se lève. La chasse n’était qu’un alibi, nous préférions voir et observer les biches, surprises de si bon matin, détalées à l’abri des sous bois. Nous rentrions vers 11 heures, moi, fourbu et affamé, à la maison. Ma mère, alors faussement inquiète, nous lançait des regards entendus, contente de voir qu’à la mi-journée, celle-ci était déjà bien remplie.
Voilà, je me laisse encore gagner par cette douce torpeur.
- « Jean, tu rêves encore ? »
Je voudrais tant dire à ma mère qu’après manger, je voudrais aller faire la sieste. Mais c’est René qui m’interpelle, nous sommes les derniers. Les autres sont déjà aux informations de vol. Nous courrons comme des fous et nous entrons en trombe dans la salle bondée. La réunion est commencée et notre cavalcade ne passe pas inaperçue… Bon, nous n’avons pas raté grand-chose et nous notons toutes les infos du vol qui sur un bout de papier, qui sur le dos d’une main, qui d’autre encore sur un paquet de cigarettes…
6h45. La réunion est terminée et nous nous dirigeons vers les avions qui nous attendent. Les « graisseux » sont à côté, fiers de leur travail. René est toujours gentil avec eux. Leur boulot n’est pas simple et, surtout, peu récompensé. Les « volants » ne leur sont souvent guère reconnaissants du travail accompli. Ils se contentent de peu et vivent parfois dans la misère : je ne les envie pas. Nous échangeons quelques mots, un regard, un sourire ou une tape sur l’épaule suffisent à les remercier et à les valoriser un peu. Ils savent aussi que dans quelques heures, c’est nous qui n’auront pas une place enviable…
Nous faisons le tour de l’avion. Il est prêt. Il en est presque fier. Ses deux bombes le rendent même agressif ce qui semble normal en temps de guerre. Oserais-je dire qu’il ne ferait pas de mal à une mouche ? J’en sourirai presque en d’autres temps.
Nous grimpons avec nos harnachements à bord. L’installation est consciencieuse et les vérifications dûment faites. René vérifie ses paramètres de vol et moi, je me charge de la radio. Je jette un œil aux chargeurs de la mitrailleuse et soulève chaque pan pour bien vérifier le niveau de remplissage. La mitrailleuse, enfin, fonctionne bien sur son axe. Je lui attèle son premier chargeur et amorce la première cartouche, prête à être armée. Je lui donne une petite tape qui à la même fonction que celle donnée aux mécanos tout à l’heure : histoire de l’encourager, on ne sait jamais… Je referme enfin les verrières car il fait encore trop froid. René me demande par l’interphone si je suis paré.
- « Oui, René, paré »
Le feu de l’action me fait perdre mes moyens et ma réponse est bien peu protocolaire mais René s’en contente et concentré, me lance :
- « Alors, on y va. »
J’entends les contacts électriques qui donnent les premiers signes de vie à l’avion, puis le démarreur prend le relais dans le chahut qui va crescendo. Chaque cylindre lance sa sarabande personnelle dans une sorte de cacophonie infernale. L’orchestre s’échauffe. L’union de cet ensemble ne tarde pourtant pas. Le moteur hoquète maintenant d’abondants nuages de fumée blanchâtre par ses échappements puis se calme et offre une musique assourdissante et mélodieuse. Nous devons attendre maintenant que les températures montent. Bien que les moteurs aient été chauffés, par ce froid matinal, ils redescendent assez vite en température. René augmente les tours, le vacarme augmente également et le moteur a quelques ratés de mécontentement mais il se calme et retrouve son unité rapidement. Nous attendons dix minutes que le cirque commence. Nous faisons partie d’un dispositif de six avions qui, en vol, seront disposés en flèche. Nous serons à droite en numéro deux. En arrivant sur l’objectif, nous adopterons une autre disposition à deux avions qui se suivront sur la cible. Le rendez-vous avec les Loire doit être précis, ils sont plus lents et nous leur laissons prendre un peu d’avance.
Enfin, l’ordre de décollage.
Ce qui m’avait paru être une musique forte et harmonieuse se déchaîne d’un coup sur l’ordre de René. Le roulage est plus long que d’habitude ; dans l’air frais du matin, nos ailes ont un peu de mal à nous porter. Toute la carlingue est secouée terriblement mais le calme, tout relatif, revient quand les roues ont quitté le sol. Je devine au bruit le train qui s’efface dans les ailes. Nous prenons un peu d’altitude en tournant autour du terrain pour permettre aux autres avions de rejoindre la formation. Au bout de quinze minutes, le chef de vol prend son cap et nous le suivons docilement.
Le temps qui annonçait une belle journée ce matin se détériore à mesure que nous nous enfonçons vers le nord. Nous traversons de petits nuages qui nous effacent quelques secondes l’horizon. Nous espaçons un peu la formation. Nous essuyons nos premiers tirs de DCA avant même de quitter la France. Les flocons s’égrènent sur notre gauche très imprécis. Le temps passe et nous ne voyons toujours pas les Loire et encore moins la fameuse escorte de chasse. Il faut se rendre à l’évidence, les rendez-vous sont manqués… D’un geste du chef de groupe, nous nous mettons en formation d’attaque. J’ouvre ma canopée et sort ma mitrailleuse. Les lunettes sur les yeux, je scrute le ciel à la recherche de quelques points suspects. Du coup, je ne suis plus notre progression et ne m’aperçois pas que nous perdons de l’altitude. Les ponts ne sont plus très loin. La DCA reprend, plus proche, plus précise. Je rentre alors la tête dans mes épaules pour éviter de mauvais coups. René accélère. Sa visée se fait au juger. « Clang ! Clang ! » Nous sommes touchés ! Non, ce sont les bombes qui viennent de se décrocher. Elles tombent et l’avion fait un bond. Nous nous éloignons à la vitesse maximum. Ce n’est qu’à l’abri des éclats d’obus que nous reprendrons de l’altitude et le cap retour. Je jette un dernier regard sur les ponts et je vois deux grands cercles d’écume blanche qui s’étendent bien loin du tablier du pont. Manqué.
Je ne m’attarde pas à cet échec et regarde méthodiquement aux alentours. Le ciel est bleu et je verrai venir de loin d’éventuels assaillants. Cela ne tarde pas, d’ailleurs, au loin, dans nos sept heures, j’aperçois des points, deux, qui deviennent des croix rapidement, trop rapidement à mon goût. J’avertis René qui tente de prendre la vitesse en piquant légèrement. Il se ravise et redresse le nez. En me tournant, je comprends sa manœuvre. Il cherche l’abri des nuages en espérant les atteindre avant que les avions inconnus ne nous rejoignent.
Nous sommes seuls, notre ailier ne nous a pas suivis après l’attaque du pont. Touché ? Abattu par la DCA ? Perdu ? Je ne sais mais ce n’est pas notre souci premier…
Ce sont des Messerschmitt, je reconnais leurs lignes fines. Flairant un piège, ils ont ralenti un peu. Les nuages sont encore loin mais la ruse risque de réussir s’ils ne se décident pas. Ils ont compris la manœuvre et accélère de nouveau. Ils passent à l’attaque. Ils sont encore trop loin pour ma Darne. Le premier lâche une longue rafale qui se perd et plonge sous nos ailes. Ils sont à peu près à mille mètres, encore trop loin mais il faut que je marque mon territoire. Je tire juste pour qu’ils sachent qu’ils ne peuvent pas s’approcher ainsi de nous tout à fait impunément. Sans doute surpris, le chef dégage brusquement, laissant la place au second qui, lui, ne s’efface pas et commence à tirer. Mais où sont ces foutus nuages ? Les traceuses se rapprochent à chaque rafales. Je réplique. Il danse dans mon viseur, dérape pour dérégler mon tir mais il est plus facile pour moi de corriger que lui pour se réaligner. Cela n’en finit plus, sa passe me paraît interminable et, lorsqu’il dégage, son collègue est de retour…
Mes munitions s’épuisent déjà. Je change mon troisième chargeur. Des balles viennent déchirer l’aile droite en partie entoilée. A priori, pas trop de gravité, rien ne s’enflamme mais l’appel d’air provoqué par le trou diminue sensiblement la portance et ralenti notre progression. Cette fois-ci, mon coco, tu ne t’en tireras pas comme ça. Je continue de tirer dans sa direction mais j’ai vraiment l’impression de ne pas lui faire de mal. Je vois bien quelques impacts sur son fuselage mais il ne s’arrête pas. C’est la fin, pensais-je…
D’un coup, nous sommes entourés d’une masse blanche et impénétrable. Les nuages ! Sauvé !
A ciel découvert, il fait un froid sibérien mais l’adrénaline m’a protégé au-delà de toute espérance et je suis en sueur. Je m’aperçois que j’ai le souffle court, j’ai du retenir ma respiration pendant une grande partie du combat… Mes pieds roulent sur les douilles vides qui parsèment mon habitacle. Je puis me retourner enfin vers René. Je crie dans l’interphone, il se retourne, souriant. « Tout va bien ? » me lance-t-il. Je lui réponds avec le pouce en l’air. « J’ai pu regarder la couche, elle est assez épaisse. Je garde le cap de la France en espérant ne pas trop dévier mais je ne sors pas du nuage ». les allemands doivent nous attendre…
Au bout d’un quart d’heure, il faut bien se résoudre à quitter l’abri du nuage. Je reprends la mitrailleuse, prêt à tirer de nouveau. Le ciel est vide. J’ai beau regarder dans tous les azimuts, nous sommes seuls. René reste concentré sur sa navigation. Après deux virages très lents, ils semblent avoir trouvé ses repères et suit maintenant, un cap rectiligne. Lorsque nous passons la frontière, je retrouve moi-même mes propres repères et suis rassuré sur le sens de l’orientation de René.
Nous approchons d’Alprecht et le terrain est bientôt en vue. René semble avoir quelques difficultés à contrôler l’avion qui tangue dans l’air comme une tête marquant un tempo. Je me suis remis dans la ligne de vol et je devine plus que je ne vois, René qui a du mal avec ses commandes. Le Vough perd de la vitesse. Le train sort et j’espère qu’une balle n’est pas venue crever un pneu ou percer une canalisation hydraulique. Je distingue une fusée verte tirée de la baraque de contrôle. Tout doit aller pour le mieux. Je vois les volets qui s’abaissent doucement, freinent l’avion encore un peu plus mais lui accordent, dans le même temps, un peu de portance supplémentaire. René coupe les gaz au moment où nous touchons. Le moteur au ralenti ronronne comme si de rien n’était et nous roulons vers le hangar. René dégorge le moteur en mettant des tours et coupe les contacts. L’hélice brasse encore l’air durant quelques tours puis s’immobilise. Dans mes oreilles, le vacarme assourdissant continue par un sifflement qui couvre le silence retrouvé. Les mécanos qui se précipitent vers nous parlent mais je n’entends rien. Je les fais répéter et ne comprenant toujours rien, je lance un « oui-oui » au hasard. Ils s’en contentent et se détournent de moi. Je ne suis pas blessé. L’avion, par contre, aura besoin d’une petite révision…
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
C'est trop long, il faut que je le fasse en deux messages...
Philippe
Chapitre 6 : 17 mai 1940
Les événements ont pris une bien curieuse tournure. Nous pensions tous que cette guerre serait certainement plus longue, que nous réussirions à vaincre les allemands. Le Traité de Versailles les avait mis à genoux. Nous sommes tous restés sur cette idée. Nous étions bien loin d’imaginer que le petit caporal avait réussi son coup à ce point là. Hier encore, nous pensions Paris presque aux mains de l’ennemi et voilà qu’aujourd’hui, après de nombreuses informations confuses, voire contradictoires, nous apprenons que les Panzer division de Gudérian progressent rapidement vers l’Ouest. Que va faire l’Etat major ? Que va-t-on nous faire accomplir ? Dès ce soir, une mission de bombardement est prévue aux environs de Flessingue. Toujours la Hollande, alors que le feu est chez nous !! Nous enrageons. Bombarder de jour avec nos avions était déjà une folie mais de nuit, ce n’est plus de la folie mais de la bêtise, sans parler des risques…
René et moi sommes encore de la partie. En fait, nous n’avons guère le choix car les avions remis en état de vol depuis la dernière mission correspondent exactement avec le nombre d’équipage de l’escadrille. Pas de réserve. L’atmosphère à la réunion de pré-vol a encore changé. Les hommes ne comprennent pas : ils sont hébétés devant un tel gâchis. Il y a trois jours encore, ils étaient relativement confiants dans la réactivité de nos armées. Ils pensaient que cette guerre, au pire, allait s’enterrer, comme en 14. Mais, les jours passants, les missions impossibles qui nous sont confiées, la retraite générale, l’incurie de nos chefs, tout concoure à nous prouver que la messe est dite. Dans ces conditions, l’esprit de corps et de sacrifice a tendance à disparaître. Pourquoi irions-nous bêtement sacrifier nos vies pour une cause perdue ? L’officier sent bien que le moral n’est pas au beau fixe. Pourtant, il continue de lire les ordres pour la mission de ce soir. Sa voix se fait pressante, il veut en finir rapidement, il est jeune mais il comprend lui-même l’inanité de ce qu’il lit. Il en a presque honte mais il obéit.
Nous devons nous rendre, de nuit, pour bombarder des objectifs d’opportunité dans la région de Flessingue : ponts, concentration de troupes, tout ce que l’on pourra trouver. Que peut-on trouver comme opportunité dans un pays en guerre où toutes les lumières sont éteintes ? Il n’y aura sans doute que les faisceaux des projecteurs qui nous éclairerons, nous !!
C’est le comble. Les hommes commencent à discuter entre eux. Les commentaires vont bon train et bientôt la voix de l’officier est couverte par le bavardage de ces bonshommes convaincus maintenant qu’on se moque d’eux. René, assez inconscient, préfère en sourire. « Notre monde s’écroule, me dit-il, autant disparaître avec lui, n’est ce pas ? »
L’officier de renseignement parvient à calmer le brouhaha avec une voix forte qui faisait le bonheur des soirées de l’escadrille du temps où nous étions à Cuers.
Cuers.
Valentine revient dans mes pensées. En fait, elle ne les a jamais quittées. L’autre jour, emporté par l’action de la mission, je l’ai protégée et enfouie au plus profond de mon esprit, pour qu’elle ne soit pas blessée. Je deviens fou ? Elle n’est pas en moi. Elle est sans doute plus à l’abri dans le sud de la France que moi, ici, dans le nord !! Pourtant, dans cet univers qui vacille, elle est une base solide sur laquelle je puis m’appuyer. Avec les opérations, le courrier s’est fait plus rare. Peut-être a-t-elle fini de penser à moi. Peut-être a-t-elle rencontré un autre pilote, qu’elle est partie…
Non. C’est impossible. Je repense à son visage pour chasser ces idées noires. Elle est belle et radieuse. Ses cheveux ondulés volent au vent et viennent cachés ses yeux rieurs. Le revers de sa main vient les balayer et les chasser doucement. Elle me regarde et son visage devient presque grave. « Jean, me chuchote-t-elle, tu m’as oublié ? » J’ai envie de la rassurer, de la serrer contre moi, de lui dire que rien ne pourrait nous séparer. « Je ne suis qu’une ombre. Je ne suis pas Valentine ». Ma main frôle presque son visage baigné de lumière. « Je t’aime ». Elle sourit tendrement. « Je suis ta Valentine, celle que tu aimes, le reflet d’une réalité que tu as vécue et que ton esprit garde à l’abri de la fureur. La vraie Valentine est loin, elle est sortie de ta vie. N’est-ce pas mieux ainsi ? » Sans doute. Garder ce souvenir comme unique espoir de le rejoindre, moi, qui mourait bientôt ? Au moins la mort ne sera-t-elle pas vaine. Valentine disparaît dans les méandres de mon cerveau et mes yeux se donnent à la réalité qu’ils voient. Les hommes notent les informations du vol. René me regarde, me sourit et ne dit surtout rien. Il semble comprendre bien des choses.
La réunion terminée, nous sortons. Le rituel est bien ancré maintenant et nous rejoignons les alvéoles construites en hâte avec des sacs de sable après que des Heinkel aient bombardé le terrain il y a quelques temps. Ils avaient alors détruits de nombreux avions. Il n’y a pas à dire, avec un viseur, on fait du meilleur boulot…
Visite pré-vol. Le soir se couche. Rien n’entrave les volets et la profondeur. Le soleil disparaît à l’horizon. Les ailes sont lisses et le tube pitot en état. J’aime ces moments, je tente désespérément de freiner le temps pour en savourer tous les instants. Les couchers de soleil sont des extraits d’éternité. Nous grimpons dans la carlingue. Le cérémonial se poursuit maintenant dans l’intimité de l’avion. Les vérifications sont autant de petits gestes qui servent à se concilier la chance. Peut-être reviendrons-nous encore cette fois ? L’avion toussote doucement avant de lancer sa musique continue, toujours aussi puissante, toujours aussi protectrice. René me lance un dernier regard et me dit, comme pour conjurer le sort et conclure la cérémonie, le rituel « on y va ? »
Lourdement l’avion décolle. L’air porteur s’est refroidi avec le soir et le Vought peine à prendre de l’altitude. Je scrute la nuit sans rien y voir. Sur le côté, je remarque que nous avons réussi à vaincre le temps. En grimpant, nous avons encore droit au flamboiement du soir, au sol, il fait déjà nuit noire. Pourtant, l’instant magique ne dure pas et là aussi, le soleil ne nous attend pas dans sa course. Nous l’avons tout juste accompagné quelques instants. Je sors de ma rêverie et vois la nuit. Les cauchemars de mon enfance ressurgissent sans crier gare. Cette sensation de perdre pied, d’être en train de tomber dans un vide sans fin. Quel vertige !! Je préfèrerai sans doute quelques monstres. Je suis vraiment mal à l’aise. Heureusement, mes yeux éblouis par les dernières lueurs du jour, s’habituent. Le noir de la nuit laisse place à un bleu nuit plus doux. Puis, les étoiles apparaissent une par une. Le ciel est aussi limpide que l’autre jour, les nuages en moins. Je m’amuse à contempler les nébuleuses. Je ne m’y suis jamais suffisamment intéressé pour les connaître toutes. Je sais, néanmoins, que leurs noms sont ceux des dieux anciens, donnés, il y a fort longtemps. Devant une telle magnificence, il est normal que les savants antiques y aient vu le domaine des dieux.
Soudain, une ombre furtive vient de passer devant plusieurs d’entres elles. Je force mes yeux à percer la nuit. Rien. Je regarde vers ce qui me semble être le sol. Soudain, les faisceaux de recherches nocturnes s’allument. Nous sommes sur l’objectif « d’opportunité » ! Soudain, un avion est pris dans le filet d’un de ces faisceaux. Il continue, imperturbable. La DCA se déchaîne alors et le prend immédiatement pour cible. Les déflagrations sont terribles. Il me semble ressentir les vibrations de chaque explosion. Comme un papillon, la lumière m’attire et je ne peux tirer mon regard de cette tragédie. Les éclats se rapprochent irrémédiablement. Pourquoi n’essaye-t-il pas de s’échapper ? « Grimpe !! Vire !! Fais quelque chose, bon sang, tu vas te faire avoir !! » Comme si ma voix pouvait leur parvenir…
Un obus de 37mm le fait vaciller, un second, de plus petit calibre, déchire sa dérive. Un troisième éclate juste près du moteur qui commence immédiatement à cracher des flammes. Il perd de l’altitude et le déchaînement s’arrête. Doucement, le Vought penche sur l’aile et vire dans le néant. Le faisceau cherche alors une autre proie. Il ne subsiste plus alors qu’une longue trainée de feu se perdant dans la nuit. L’impact est violent, rien ne subsiste. Ils sont morts.
La vision d’horreur me glace les sangs. Instinctivement, je rentre la tête dans les épaules en me répétant « la prochaine est pour nous, la prochaine est pour nous… »
En effet, les éclatements se font plus pressants. La nuit est remplie d’éclatement divers. Les obus montent vers nous marqués par les traceuses qui permettent aux tireurs de corriger. C’est un vrai feu d’artifice mais nous sommes dedans… La litanie des petits calibres est assez énervantes, c’est le moins que l’on puisse dire. Les obus de 37mm, par contre, viennent rythmés les saccades des petits. Ceux-ci font peur. Un coup direct et nous devenons lumière…Au bout d’un temps de ce régime, que j’ai imaginé assez long mais qui n’a pas duré plus de quelques secondes, je me tourne vers l’interphone du bord et crie à René « Mais largue nos dragées ! Qu’est-ce que tu attends ! Tirons-nous d’ici ! Vite ! »
Sa réponse fuse aussi rapidement : « Regarde en bas ! Les ponts ! »
Je risque un œil en dehors de l’avion où l’enfer se déchaîne toujours. René a raison. Malgré la lueur aveuglante des traceuses, je distingue les longs serpents d’argent des rivières qui se dirigent vers la mer. Flessingue ne doit pas être bien loin, ses ponts non plus. René a dû les repérer, il commence sa descente comme si de rien n’était. Le souffle des explosions bousculent les plans du Vought mais René tient ses commandes fermement et ne laisse pas les embardées prendre le dessus. En me retournant, je les vois enfin, ses ponts. René compte bien faire comme hier. Il a enclenché son piqué à environ 700 mètres en visant les ponts. La procédure est longue et terriblement dangereuse car nous devons voler en ligne droite sans discontinuer. Lorsque l’objectif disparait sous le capot moteur, René redresse le nez et largue. C’est hasardeux, nous le reconnaissons tous mais à défaut d’avoir les outils adaptés, il faut faire preuve d’imagination…
Ca y est, la vue du sol se dégage vers l’arrière de l’appareil, signe, pour moi, que l’avion redresse et s’enfuit. Je ne m’intéresse guère aux impacts de nos bombes mais attend à tout instant celui qui viendra nous perdre. René ne louvoie pas, il a préféré accélérer pour semer les éclatements de DCA qui nous poursuivent un peu au hasard mais un hasard qui me parait bien heureux…
Enfin, d’un coup, nous retrouvons la tranquillité de la nuit. Les raies de lumière s’évanouissent peu à peu. Les traceuses disparaissent également. Un dernier projecteur poursuit encore une chimère. Il traîne avec lui les derniers servants d’un affût de canon qui poursuit sont tir. Soudain, il s’éteint. Les yeux ont d’abord du mal à s’habituer à la nuit mais mon regard reste fixé sur l’endroit où le faisceau pointait. A sa place maintenant, je distingue une nouvelle trainée de feu. Celle-ci ne monte pas, elle descend et disparaît dans les eaux d’une des rivières de tout à l’heure. Un nouvel équipage vient de disparaître. Y’a-t-il des survivants ? Combien d’entre nous ont été descendus ?
Nous avons eu la chance de passer, sommes-nous pour autant invincible ?
Le retour se passe dans une atmosphère cotonneuse. Je suis choqué. Je ne me souviens pas de l’atterrissage et un des mécanos doit venir me soulever pour m’extirper du cockpit. J’entends leurs voix. Ils parlent de blessé. Qui est blessé ? René ? Il me faut bien du temps pour me rendre compte qu’ils parlent de moi !
« Jean ! Jean ! Retourne parmi les tiens. »
« Valentine ? »
« Jean ! Jean ! Tu n’as pas le droit ! Reviens ! »
« René ? »
Une autre voix lointaine affirme que je n’ai rien, que je suis juste sonné. Lorsque j’émerge enfin, René me souhaite la bienvenue avec une grande tape dans le dos.
Chapitre 7 : 20 mai 1940, 9h30
« Tu m’as fait une de ces peurs, hier ! J’ai bien cru que tu étais blessé pour de bon ! »
C’est ainsi que René me réveille ce matin. Cette nuit, le médecin m’a vite ausculté. Je n’avais pas une égratignure : « juste choqué… » a-t-il dit simplement. Il m’a cependant donné un sédatif car l’excès d’adrénaline m’aurait sans doute fait passer une mauvaise nuit. Je me souviens m’être allongé, avoir fermé les yeux et puis, plus rien.
« C’est le p’tit Lulu et Gaston qui sont tombés hier soir… »
Je connaissais bien leurs mitrailleurs, Gilbert et Honoré. Gilbert était un garçon de la campagne. Dès son engagement, il a tout fait pour être virer dans l’aviation embarquée. Il était passionné d’aviation mais son faible niveau d’étude ne lui avait pas permis d’être pilote. Qu’importe, il était devenu mitrailleur, au moins volait-il. Il avait connu de multiples affectations sur de nombreux navires lui faisant faire ainsi plusieurs fois le tour de la Terre. Il avait côtoyé les gens de la Ligne et avait participé au sauvetage de plusieurs en difficulté au-dessus de l’Atlantique Sud. Il en parlait souvent. Son grand regret était de ne pas avoir pu, avec les autres, retrouver Mermoz lorsqu’il avait disparu à bord de la Croix du Sud. C’était un livre vivant malgré son langage un peu frustre. Il en avait vu des choses à travers le monde. Il était capable de raconter une anecdote dans chaque situation. Lorsqu’il commençait à dire « je m’souviens… », on était bon pour deux heures d’histoires…C’est qu’il aimait bien parler le Gilbert…je reverrai souvent sa bonne mine de bon vivant, ne refusant jamais un coup à boire ou un bon repas entre copains. Plus rien ne comptait alors, ni les filles, ni la Marine. Je ne lui connaissais pas de famille. Il volait, son rêve était comblé, la Marine était sa famille d’adoption et nous étions ses frères. Une vie pareille et finir aussi bêtement…
Honoré, lui, était plus secret. Sans doute issu d’une famille noble, il nous avait rejoints à Cuers assez discrètement, d’ailleurs. Il avait fait équipe avec Gaston et tout deux avaient formé une sacré équipe de débrouillards. Lorsque l’un d’entre nous avait besoin de quelque chose, il suffisait de leur demander et ils pouvaient dégoter n’importe quoi et, bien sûr, toujours au prix fort pour nos pauvres soldes de marin. Ce n’était pas de mauvais bougres, pas des voleurs, non, mais des commerçants hors pairs. Ils montaient des combines très complexes pour avoir ce qu’ils voulaient et cela réussissait toujours. Enfin, presque toujours, il y a bien eu quelques soucis parfois, des « clients » ou des « associés » mécontents des transactions mais, à l’abri de l’escadrille, ils ne risquaient pas grand-chose. Un soir, pourtant, Honoré s’était ouvert et avait raconté. Une enfance de richard dans une maison très bourgeoise, un père souvent absent dont on lui promettait la succession à la tête de l’usine familiale, des études brillantes qui lui avaient ouvert bien d’autres perspectives aventureuses et moins étriquées que ce qu’on lui destinait. Il aurait pu facilement devenir pilote (Gilbert devait sans doute lui en vouloir beaucoup, lui qui n’avait pas eu cette chance). Mais il étouffait tellement dans cette maison aux habitudes guindées, qu’il était prêt à tout pour y échapper. Il écrivit une lettre à sa mère et s’enfuit en pleine nuit sans se retourner. Il s’engagea le lendemain. Le goût de l’aventure le poussa tout naturellement vers l’aviation. Etre mitrailleur à bord d’un avion ne le gênait pas. Il pouvait laisser libre court à son esprit rebelle dans un cadre, malgré tout, assez rigide. Sans se l’avouer, il retrouvait la même rigidité paternelle dans la Marine, sans l’amour d’une famille, bien sûr, mais une amitié qui y confinait. Au final, il ne regrettait que sa mère à laquelle il envoyait parfois une lettre le jour de son anniversaire. Il n’aura jamais su si son père lui avait pardonné, jamais su si sa mère l’avait compris. On ne traite pas avec la Faucheuse impunément…
Si j’avais eu un fils, j’aurai prié pour qu’il me pardonne mes absences. J’aurai tout fait pour lui montrer à quel point je l’aimais. Et s’il était parti quand même, j’aurai eu des remords toute ma vie pour ne pas avoir su le retenir. Si j’avais eu un fils avec Valentine, il aurait grandi dans l’amour de sa famille. Je lui aurai appris les mille tours que mon oncle me montrait lorsque nous partions dans nos escapades matinales. Je lui aurai pardonné ses bêtises, l’aurai consolé en le serrant dans mes bras dès qu’il aurait eu un chagrin. Il aurait été quelqu’un de bien…
Chapitre 8 : 20 mai 1940, 12h30
L’atmosphère qui règne à Alprecht est très particulière en ce début d’après midi. René et moi venons de manger lorsque nous apprenons que quelque chose se prépare. On voudrait nous envoyer encore en mission ? Les nouvelles ne sont toujours pas bonnes. Les autres unités ont été décimées. Il ne reste plus guère de Loire à l’AB2, ils ont été sacrément secoués il y a deux jours en Hollande. Reste nos 10 avions. Nous ne sommes quand même pas les seuls !
Sur la route, nous voyons, désœuvrées, les premières unités qui fuient le front. Manifestement, le moral n’y est pas. Parmi eux, quelques civils pensent trouver leur salut à l’ouest. Nous apprenons que les allemands ont délaissé la prise de la capitale pour couper le retour du gros de l’armée parti sauver les belges et les hollandais. Pire, je pense qu’ils veulent plutôt parvenir à Dunkerque, le port principal, l’artère qui nous relie à nos alliés anglais. Nous en rencontrons aussi de nombreux qui nous disent qu’ils évacuent et retournent en Albion. C’est donc la fin ? Il me semble soudain que cette guerre est menée par des amateurs. Vers 14 heures, les équipages sont convoqués en urgence à la salle des cartes. Nous y apprenons que nous serons jetés avec nos avions sans viseurs dans l’abime. Pour nous accompagner dans cette mission pour le moins risquée, les quelques Loire survivants basés à Berck, ils sont sans doute plus à plaindre que nous…La bonne nouvelle est que nous serons couvert par une escorte de chasse. Les anglais ont donc encore quelques escadrilles en France…
La mission du jour est d’aller bombarder un pont qui semble vital pour la suite des opérations. Il se situe à Origny-Sainte-Benoite et traverse l’Oise. La mission est d’importance car elle doit permettre de stopper, au moins provisoirement l’avance des chars allemands. Cela donnera sans doute un peu d’oxygène à Dunkerque. Officiellement, il est question de réorganisation du front pour permettre aux soldats français d’établir une ligne qui contiendra la Wermarch. Un officier d’infanterie est venue spécialement d’on ne sait où pour nous exposer ces théories fumeuses et officielles d’un autre temps et surtout tout à fait irréalistes. Quand on voit l’indigence dans laquelle nous sommes, j’imagine bien les compagnies d’infanterie en bleu horizon et bandes molletières de 18 face aux chars allemands et aux Stuka. Je ne dis pas qu’ils ne sont pas courageux mais il ne faut pas être sorti de St-Cyr pour connaître le résultat d’un tel affrontement…Maintenant, je comprends tout à fait les files de soldats sur la route, ce matin. Si je suis capable, moi, pauvre mitrailleur, d’échafauder de telles idées, nous devons être plusieurs milliers à parvenir aux mêmes conclusions. Cela ne fait aucun doute.
Enfin, la messe est dite. Décollage à 16h30. Les avions seront gréés de la même manière que les jours précédents. Nous trainerons donc nos bombes de 150 kilos vers ce pont. Les Loire, plus lents, nous aurons précédé à 16h. Le rendez-vous avec les anglais est prévu assez tôt puisqu’ils doivent nous rejoindre à 16h45. René me regarde et me dit : « cela fait beaucoup de rendez-vous tout ça, on va bien en manquer un et pourvu que ce ne soit pas celui avec les Hurricane… ». Je hausse un sourcil approbateur et complice. Si c’est chacun pour soi, les Messer seront à la fête…
Les derniers ordres sont passés et nous sortons nous préparer. La tenue de vol est terriblement lourde. Elle n’a pas eu beaucoup de temps pour sécher depuis cette nuit. Il faut dire que ces combinaisons sont très chaudes mais que, dans le feu de l’action, nous y suons comme des damnés. Il commence à s’en dégager une odeur assez forte. Nous n’avons pas le choix, à l’altitude où nous volons, avec les « fenêtres » ouvertes, ce serait du suicide de ne pas les enfiler. Je prends un gilet de sauvetage, non pas que j’ai peur de me retrouver dans l’eau mais n’ayant plus de gilet pare balles, je n’ai pas trouvé mieux pour me protéger un peu. Protection bien illusoire, d’ailleurs… Je prends le casque de vol, protecteur, rigide et lourd. Les lunettes sont dessus. Je prends bien soin de les nettoyer car il ne faut pas qu’elles entravent le travail de mes yeux. Un avion encore lointain peut se cacher derrière une poussière (peut-être pas mais vous voyez bien la philosophie de l’affaire). Mes bottes fourrées sont également très chaudes et malaisées dans le cockpit du Vought. Elles me gênent la plupart du temps. S’il n’y avait pas ce froid, je volerai nu-pieds…
En sortant, nous passons au magasin pour récupérer nos parachutes. Un rapide tour d’horizon avec René pour vérifier que nous n’omettons rien dans nos préparatifs. L’ambiance est particulière. Les efforts consentis ces derniers jours ont été épuisants et je ne me rends pas compte que nous repartons. J’ai l’impression de vivre l’action de l’extérieur, par procuration. C’est très étonnant comme sentiment. En tout cas, elle me met mal à l’aise. Mauvais présage.
« Ne t’inquiète pas, je suis là » me susurre Valentine.
« Je sais, je sais mais je suis inquiet »
« Qu’est-ce que tu dis ? » me lance René
« Rien, je réfléchis à voix haute… »
Bon sang, ce n’est pas le moment d’entendre des voix, même celle de Valentine.
Nos avions sont plus ou moins prêts mais nous faisons confiance aux « graisseux ». Les pleins sont faits, les bombes sont chargées et bien arrimées. Rien ne gêne les parties mobiles. Le moteur est chaud. Tout est paré.
Le mécano m’aide à m’installer. Peut-être est-ce le même que la nuit dernière et qu’il a une certaine compassion pour moi. Il me sourit. « Faite attention à vous », finit-il par me lâcher. Ils rafistolent nos avions du matin au soir mais ils savent bien ce que nous avons faits ces derniers jours et, surtout, pourquoi nous l’avons fait. Risquer sa vie pour une cause perdue ne fait plus recette de nos jours. C’est bizarre. Pendant la Grande Guerre, ces actes d’héroïsme fou étaient légions. Les survivants, comme mon père, en sont certainement revenus amères. Ces massacres inutiles, ces tueries sans nom, ne pouvaient pas rester cacher dans l’inconscient collectif. Pourtant, le scandale n’a pas éclaté au grand jour. Il s’est immiscé lentement, d’abord avec un fort sentiment pacifiste, puis le peuple s’est tourné vers le social. Dame, les bourgeois avaient une dette importante envers les poilus. La guerre n’existait plus, le terme, même, était bannis. Pour le coup, le patriotisme exacerbé et dirigé vers l’allemand, aujourd’hui abattu, n’était plus de mise. Nous n’avons rien fait lorsque cette dernière a viré dans le national socialisme, rien non plus lorsqu’ils ont réarmé. Aucune réaction encore lors des annexions. La pilule est passée plus facilement en allant fanfaronner aux côtés des nazis à Munich.
Le résultat est catastrophique.
Allons, il faut penser à sauver ma peau. Je n’ai pas à payer pour des fautes que je n’ai pas commises.les armuriers ont vérifié mon arme, je n’ai pas eu le temps de la nettoyer. Je la regarde rapidement. Il ne s’agit qu’elle me fasse défaut lors du combat. Je m’assure également que les casiers à munitions sont bien garnis. Le mécano de tout à l’heure m’apporte un sac que je dois fixer à la mitrailleuse afin de récupérer les douilles vides. Il est bien temps d’y penser. Sommes-nous si performants qu’il faille recycler les cartouches ainsi. « Mais non, me répond-t-il, c’est juste pour éviter qu’elles ne tombent dans tout les sens si jamais vous deviez… » C’est encourageant…
La radio maintenant. Je branche les contacts et règle l’interphone sur la fréquence convenue. Je m’annonce à la voiture radio pour signaler que tout fonctionne bien. René lance son habituel « on y va » et tout de suite après, l’avion qui prend vie. Cet après midi, il me semble que l’hélice brasse plus longtemps qu’à l’habitude. Je voudrai tant que le moteur ne parte pas, que nous échappions à cet enfer une seule petite fois. Les vœux s’évaporent : l’essence commence à exploser dans les cylindres, lançant la ronde des vilebrequins. Un par un, ils s’élancent dans leur course habituelle. Un lourd nuage gris sort des échappements que seule l’hélice, dans son mouvement perpétuel, parvient à dissiper.
Après quelques minutes, René monte les tours, le moteur hurle et l’avion n’en peut plus d’attendre. Puis, il se calme et reprend un rythme plus supportable. Nous attendons la fusée rouge du départ. Les dix avions de l’escadrille sont prêts. Pas un ne manque à l’appel. Nos « graisseux » sont vraiment des as.
Quelques minutes encore et la fusée montent dans le ciel. Le chef d’escadrille Mesny est le premier à s’aligner. Puis, les autres le suivent. Nous décollons deux par deux. Nous sommes la dernière paire. Nous brinqueballons sur l’herbe tranquillement jusqu’à la piste. Tourné vers l’avant, je regarde René qui jette un regard au coéquipier. Un signe de la tête et nous partons. Le moteur se déchaîne dans un tonnerre mécanique assourdissant. Notre casque nous en protège à peine. Les secousses cessent lorsque les roues quittent le sol. Nous grimpons rudement pour rejoindre le groupe. Il est 16h30. Les Loire ont du partir bien avant nous vers l’objectif.
16h45, vingt paires d’yeux scrutent le ciel bleu sans nuages à la recherche de l’escorte.
16h55, il faut se résoudre à l’évidence, les Hurricane ne sont pas là et nous continuons seuls. Nous rattrapons et nous dépassons les Loire un peu plus tard. Nous ne pouvons nous permettre de les attendre et je les plains presque de passer après nous.
Je délaisse l’écoute de la radio qui ne fonctionne plus depuis notre décollage. Les nombreux soubresauts ont eu raison des diodes délicates de ces appareils. Je mets en fonction ma Darne et surveille le ciel. Limpide comme il est, il sera simple de repérer les avions ennemis par contre, nous ne pourrons plus nous cacher. Heureusement, j’aperçois quelques cumulus épars, un peu plus bas. Seront-ils assez épais pour nous protéger ?
Bon sang, les voilà ! Ils dégringolent du soleil, juste dans notre dos. Ils glissent comme un ban de poissons, rapides et carnassiers. Le chef bat des ailes et ils passent à l’attaque. Leur groupe se scinde en petits groupes de deux avions en l’espace de quelques secondes. Notre cohésion est notre seule défense. Dix mitrailleuses pointées vers les assaillants valent mieux qu’une.
Ils sont à portée maintenant. Nous lâchons tous des rafales dans leur direction. Ils tirent à leur tour. Mais, surpris par leur vitesse, ils n’ont pas le temps de corriger et les rafales se perdent en dessous. Ce sont des Messerschmitt 109. Ils passent en trombe sous notre formation, redressent, font un large virage dans l’azur pour s’aligner à nouveau. Nous savons tous qu’ils vont diminuer leur vitesse pour avoir le temps de corriger. Maintenant, ils savent que nous n’avons aucune couverture de chasse. La curée va commencer. Il n’en faut pas plus pour que le groupe se disloque. Chaque Vought se lance dans des directions opposées. Chacun a choisi son nuage, plus ou moins proche, en espérant qu’il ne sera pas suivi.
Nous plongeons et nous réfugions dans un cumulus que je croyais plus fin. Nous en ressortons assez rapidement. Le ciel est vide. Pas de Messer, pas de Vought, non plus. René reprend un cap pour rassembler sur les survivants. Au bout de dix minutes, n’ayant retrouvé aucun camarade, nous filons sur l’objectif. Nous y parvenons vingt minutes plus tard. René, manifestement, n’est pas tranquille. C’est une sale mission depuis le début. Il décide d’engager l’objectif directement et très bas, en espérant surprendre la DCA. Il tire la manette des gaz à fond et nous accélérons. Les bombes sont armées, il n’y aura qu’un passage… A cinq cents mètres des ponts, nous sommes découverts. Nous ne devons pas être les premiers, les servants sont aux aguets et tirent vers nous immédiatement. Une pluie d’obus nous arrive dessus. Il y a tout les calibres possibles et imaginables. Dans aucune des missions que nous avons effectuées, le déluge n’a été si terrible. L’avion tremble sous les éclatements.
Objectif à trois cents mètres. Bang ! Un obus éclate juste derrière nous et truffe le fuselage de nombreux impacts. Ca chauffe sérieusement. La condition des mitrailleurs dans ces moments là n’est vraiment pas confortable. Je suis le jouet des événements. Je ne puis même pas influencer le destin. Je regrette vraiment de ne pas être devenu pilote. Je ne peux que rentrer ma tête dans les épaules et espérer que mon gilet de sauvetage me protégera.
Objectif à 250 mètres, une rafale mieux ajustée traverse l’aile droite. Heureusement, ce n’est pas un gros calibre. L’entoilage de l’aile en souffre et se déchire sous l’effet du vent. En regardant les dégâts, j’aperçois un filet d’essence s’échapper des réservoirs.
Objectif à 150 mètres, l’enfer s’accentue, les pièces qui nous tirent dessus sont de plus en plus nombreuses. Les impacts sont aussi de plus en plus nombreux. Le fuselage résonne de ceux-ci de manière inquiétante. Une douleur vive et soudaine me vrille la jambe. Je suis touché ! Je regarde l’état de ma jambe qui saigne. J’attrape un chiffon qui trainait à côté de mon siège et me fait un garrot rapide pour stopper l’hémorragie.
Objectif à 100 mètres, un autre choc brutal me pousse en avant, je viens d’être touché à l’épaule. « René tirons-nous ! »
50 mètres, l’œil du cyclone, les tirs mollissent bizarrement mais ne cessent pas.
Largage !
René saute le pont à moins de 20 mètres. Les bombes explosent dans l’eau juste après le pont. Raté.
Les tirs de DCA nous encadrent un peu moins. Au loin, j’aperçois un autre Vought, ou peut-être un Loire, engager son attaque. Il passe au travers du barrage mais maintenant, nous sommes trop loin pour que je puisse voir ce qu’il en advient.
L’adrénaline commence à perdre de son effet, la douleur est de plus en plus grande. Il me faut pourtant rester attentif, car les Messer rôdent sans doute encore dans les parages. Nous volons vraiment en rase motte.
Les voilà, ils sont deux et nous ont retrouvé. Leur danse macabre commence et mes blessures ne me permettent pas d’ajuster ma défense. J’économise les munitions car je ne sais pas comment je pourrais changer de casier à munitions. Les obus de 20mm et les mitrailleuses lacèrent l’avion de manière systématique. Le moteur commence à cracher de la fumée, nous sommes cuits. Les flammes ne tardent pas à apparaître. Je regarde René, il se bat avec les commandes. Je vois qu’il va aller aux vaches. Dans un effort presque surhumain, je me remets dans le sens de la marche. Les allemands continuent de nous tirer.
Le choc est terrible et l’avion glisse sur 100 mètres. Le nez s’enfance dans le sol, la queue s’élève dans le ciel. Nous allons faire un cheval de bois ! Non ! Ne pas mourir écrasé… Un instant, l’avion s’immobilise, puis retombe soudain sur le ventre dans un bruit de tôle atroce. Dans cet amas, nos corps sont malmenés. Je relève la tête. Le silence soudain, est plus assourdissant encore que le bruit du moteur en furie.
René se dégage de son brêlage. Moi, je n’en ai plus la force. Dans une sorte de brouillard comateux, j’aperçois des impacts sur le sol. Le premier Messer fait une passe sur nous pour incendier l’avion. Il nous manque. Le second le suit et son tir est plus juste. Je sens dans le dos un coup violent.
Je ne sens plus grand-chose, en vérité. Les images défilent très lentement. René me crie dessus. Qu’est-ce-que j’ai fait ? Il me malmène, me redresse. Il détache ma ceinture ventrale et me hisse en dehors de l’avion. Tiens, étonnant, je ne voyais pas René aussi fort. Je retombe lourdement sur le sol. En tournant la tête, je vois le triste état de l’avion. La fumée l’entoure puis des flammes commencent à le lécher. René me traîne péniblement à l’abri du feu. J’ai envie de lui dire que ce n’est pas si terrible mais je n’arrive pas à articuler le moindre mot. Je ferme les yeux.
« Valentine ? »
« Je t’avais dit que je serais là. »
« Valentine, je voudrais te serrer dans mes bras. Maintenant, j’en ai besoin. J’ai un peu mal tu sais. »
« Ne t’inquiète pas, cela ne durera plus très longtemps maintenant. »
Je rouvre les yeux. Le souffle me manque comme si je courrais à perdre haleine sur une pente en descente. Je ne puis m’arrêter. Mon cœur va éclater à ce rythme. J’ai la force de prendre encore une bouffée d’air, juste une. Et, dans un dernier râle, je peux articuler un mot.
« Valentine ».
Epilogue. 9 janvier 1976
Jeanne est bien ennuyée. En rentrant de l’école, elle ne cesse de penser aux devoirs que vient de lui donner son maître. Passe encore les exercices de français et de math, mais celui concernant l’histoire semble non seulement très long à réaliser mais, en plus, très « ennuyeux ». Il faut demander à la personne de sa famille la plus ancienne ses souvenirs de la deuxième guerre mondiale. Il y a bien longtemps qu’elle n’a pas revu sa grand-mère. Sa mère lui téléphone parfois mais elle ne lui parle pas. Bref, elle va gâcher son week end avec cette affaire… En plus, ses parents ne lui laisseront rien passer, le premier trimestre ne s’est pas terminé sur de très bonnes notes…
Tout en cheminant, elle fait des calculs seulement dictés par son intérêt. « Voyons, quel âge à mon père ? », se dit-elle. Il a dû naître pendant la guerre. Voilà, c’est ce que je vais faire, je vais lui demander ses souvenirs de la guerre. Elle en était sûre, elle avait trouvé la solution à son épineux problème. La fin de semaine, finalement, s’annonçait plus sympa que prévu…
-« Papa ! J’ai un devoir à faire pour la semaine prochaine et tu peux m’aider. »
-« Je ne dois pas le faire à ta place, au moins ? »
-« Non, non, je dois t’interviewer. »
-« Bon, je t’écoute, alors… »
-« Je voudrais te demander tes souvenirs de la guerre. »
-« Laquelle ? »
-« Bin, la deuxième, celle de 40… »
-« Tu sais, je venais de naître, je n’ai pas de souvenirs, que ce qu’à pu me raconter ta grand-mère. »
-« Elle t’a raconté quoi ? »
-« Je crois que tu pourrais le lui demander, non ? »
Les craintes de Jeanne revenaient en avant, les copines ne pourraient pas compter sur elle…
Son père avait accepté d’amener Jeanne chez sa grand-mère. C’était l’occasion de venir la voir. Et les occasions, ces temps-ci n’étaient pas si courantes au grand dam du père de Jeanne qui travaillait trop et laissait la vie s’échapper sans qu’il ne s’en aperçoive. Sauf, parfois, lorsqu’il partait dans des rêveries sans fin. Sa mère lui avait toujours dit qu’il ressemblait à son père lorsqu’il était ainsi…
-« Bonjour, maman. »
-« Bonjour mes enfants, je suis si heureuse de vous voir. Mais pourquoi ne pas m’avoir prévenu, j’aurai préparé un repas pour vous recevoir ! »
-« Tu sais bien, maman, que je n’aime pas rester à table… »
-« Qu’est-ce qui vous amène, alors ? »
-« Jeanne doit faire un devoir et pour cela, elle doit te poser des questions. »
-« Et bien, je t’écoute, ma chérie. »
Jeanne aimait bien sa grand-mère. Derrière ses cheveux blancs, toujours soigneusement peignés, elle imaginait bien à quoi elle ressemblait lorsqu’elle était jeune.
-« Mamie, je voudrais que tu me racontes comment ça s’est passé pendant la deuxième guerre mondiale. »
La grand-mère baissa le regard. Elle tourna les talons et alla s’asseoir dans son fauteuil. Elle leva la tête vers la fenêtre et dirigea ses yeux dans le jardin. L’hiver touchait à sa fin. La terre, gorgée d’eau, avait pris cette couleur sombre, froide, qui était, finalement, un prélude au printemps. Un rayon de soleil perça et éclaira une partie du jardin.
-« c’est une histoire triste, tu sais ? »
-« je ne crois pas que la guerre soit une chose très gaie »
-« Ton grand père était marin. Je l’ai connu à Cuers, lorsque j’y habitais. A cette époque, j’étais heureuse, car j’avais trouvé un travail dans une usine. Là-bas, le soleil est toujours très chaud. Cela aidait bien à voir la vie sous un angle plus heureux. Le dimanche, nous allions au bal pour nous amuser. Les moments que nous préférions étaient les jours où nous savions que des militaires arrivaient en garnison à la base aérienne. Cela permettait de changer un peu des sempiternels cavaliers locaux…Lorsque j’ai vu ton grand père, j’ai su tout de suite qu’il n’était pas comme les autres. Il était mitrailleur. Puis, il a reçu un ordre de mission et, avec son escadrille, ils sont partis. Je lui ai écrit, il m’a répondu. La guerre a fini par arriver. Il y est mort sans savoir que j’attendais un enfant… »
-« Pourquoi ne pas lui avoir dit ? »
-« La peur de sa réaction, sans doute. A l’époque, on ne plaisantait pas avec ça et je ne voulais pas qu’il me rejette, moi et ton père. »
Visiblement, Jeanne s’ennuyait de l’histoire de sa grand-mère. Elle était somme toute assez banale. Cette façon d’agir énervait toujours son père au plus haut point. Mais à cet âge-là, il faut bien que jeunesse se passe. Il laissait couler la plupart du temps.
-« Tu es fatiguée maman, nous allons te laisser. Je te promets de revenir très vite. »
Perdue dans ses pensées, elle se rendit à peine compte de leur départ.
-« Bonjour, Valentine. »
-« Jean ? »
-« Oui, je t’attends depuis toutes ces années. Tu as été courageuse. Si j’avais su, je me serais battu. »
Une larme coula le long de sa joue qu’elle ne chercha même pas à essuyer.
« Jean… »
Philippe
Chapitre 6 : 17 mai 1940
Les événements ont pris une bien curieuse tournure. Nous pensions tous que cette guerre serait certainement plus longue, que nous réussirions à vaincre les allemands. Le Traité de Versailles les avait mis à genoux. Nous sommes tous restés sur cette idée. Nous étions bien loin d’imaginer que le petit caporal avait réussi son coup à ce point là. Hier encore, nous pensions Paris presque aux mains de l’ennemi et voilà qu’aujourd’hui, après de nombreuses informations confuses, voire contradictoires, nous apprenons que les Panzer division de Gudérian progressent rapidement vers l’Ouest. Que va faire l’Etat major ? Que va-t-on nous faire accomplir ? Dès ce soir, une mission de bombardement est prévue aux environs de Flessingue. Toujours la Hollande, alors que le feu est chez nous !! Nous enrageons. Bombarder de jour avec nos avions était déjà une folie mais de nuit, ce n’est plus de la folie mais de la bêtise, sans parler des risques…
René et moi sommes encore de la partie. En fait, nous n’avons guère le choix car les avions remis en état de vol depuis la dernière mission correspondent exactement avec le nombre d’équipage de l’escadrille. Pas de réserve. L’atmosphère à la réunion de pré-vol a encore changé. Les hommes ne comprennent pas : ils sont hébétés devant un tel gâchis. Il y a trois jours encore, ils étaient relativement confiants dans la réactivité de nos armées. Ils pensaient que cette guerre, au pire, allait s’enterrer, comme en 14. Mais, les jours passants, les missions impossibles qui nous sont confiées, la retraite générale, l’incurie de nos chefs, tout concoure à nous prouver que la messe est dite. Dans ces conditions, l’esprit de corps et de sacrifice a tendance à disparaître. Pourquoi irions-nous bêtement sacrifier nos vies pour une cause perdue ? L’officier sent bien que le moral n’est pas au beau fixe. Pourtant, il continue de lire les ordres pour la mission de ce soir. Sa voix se fait pressante, il veut en finir rapidement, il est jeune mais il comprend lui-même l’inanité de ce qu’il lit. Il en a presque honte mais il obéit.
Nous devons nous rendre, de nuit, pour bombarder des objectifs d’opportunité dans la région de Flessingue : ponts, concentration de troupes, tout ce que l’on pourra trouver. Que peut-on trouver comme opportunité dans un pays en guerre où toutes les lumières sont éteintes ? Il n’y aura sans doute que les faisceaux des projecteurs qui nous éclairerons, nous !!
C’est le comble. Les hommes commencent à discuter entre eux. Les commentaires vont bon train et bientôt la voix de l’officier est couverte par le bavardage de ces bonshommes convaincus maintenant qu’on se moque d’eux. René, assez inconscient, préfère en sourire. « Notre monde s’écroule, me dit-il, autant disparaître avec lui, n’est ce pas ? »
L’officier de renseignement parvient à calmer le brouhaha avec une voix forte qui faisait le bonheur des soirées de l’escadrille du temps où nous étions à Cuers.
Cuers.
Valentine revient dans mes pensées. En fait, elle ne les a jamais quittées. L’autre jour, emporté par l’action de la mission, je l’ai protégée et enfouie au plus profond de mon esprit, pour qu’elle ne soit pas blessée. Je deviens fou ? Elle n’est pas en moi. Elle est sans doute plus à l’abri dans le sud de la France que moi, ici, dans le nord !! Pourtant, dans cet univers qui vacille, elle est une base solide sur laquelle je puis m’appuyer. Avec les opérations, le courrier s’est fait plus rare. Peut-être a-t-elle fini de penser à moi. Peut-être a-t-elle rencontré un autre pilote, qu’elle est partie…
Non. C’est impossible. Je repense à son visage pour chasser ces idées noires. Elle est belle et radieuse. Ses cheveux ondulés volent au vent et viennent cachés ses yeux rieurs. Le revers de sa main vient les balayer et les chasser doucement. Elle me regarde et son visage devient presque grave. « Jean, me chuchote-t-elle, tu m’as oublié ? » J’ai envie de la rassurer, de la serrer contre moi, de lui dire que rien ne pourrait nous séparer. « Je ne suis qu’une ombre. Je ne suis pas Valentine ». Ma main frôle presque son visage baigné de lumière. « Je t’aime ». Elle sourit tendrement. « Je suis ta Valentine, celle que tu aimes, le reflet d’une réalité que tu as vécue et que ton esprit garde à l’abri de la fureur. La vraie Valentine est loin, elle est sortie de ta vie. N’est-ce pas mieux ainsi ? » Sans doute. Garder ce souvenir comme unique espoir de le rejoindre, moi, qui mourait bientôt ? Au moins la mort ne sera-t-elle pas vaine. Valentine disparaît dans les méandres de mon cerveau et mes yeux se donnent à la réalité qu’ils voient. Les hommes notent les informations du vol. René me regarde, me sourit et ne dit surtout rien. Il semble comprendre bien des choses.
La réunion terminée, nous sortons. Le rituel est bien ancré maintenant et nous rejoignons les alvéoles construites en hâte avec des sacs de sable après que des Heinkel aient bombardé le terrain il y a quelques temps. Ils avaient alors détruits de nombreux avions. Il n’y a pas à dire, avec un viseur, on fait du meilleur boulot…
Visite pré-vol. Le soir se couche. Rien n’entrave les volets et la profondeur. Le soleil disparaît à l’horizon. Les ailes sont lisses et le tube pitot en état. J’aime ces moments, je tente désespérément de freiner le temps pour en savourer tous les instants. Les couchers de soleil sont des extraits d’éternité. Nous grimpons dans la carlingue. Le cérémonial se poursuit maintenant dans l’intimité de l’avion. Les vérifications sont autant de petits gestes qui servent à se concilier la chance. Peut-être reviendrons-nous encore cette fois ? L’avion toussote doucement avant de lancer sa musique continue, toujours aussi puissante, toujours aussi protectrice. René me lance un dernier regard et me dit, comme pour conjurer le sort et conclure la cérémonie, le rituel « on y va ? »
Lourdement l’avion décolle. L’air porteur s’est refroidi avec le soir et le Vought peine à prendre de l’altitude. Je scrute la nuit sans rien y voir. Sur le côté, je remarque que nous avons réussi à vaincre le temps. En grimpant, nous avons encore droit au flamboiement du soir, au sol, il fait déjà nuit noire. Pourtant, l’instant magique ne dure pas et là aussi, le soleil ne nous attend pas dans sa course. Nous l’avons tout juste accompagné quelques instants. Je sors de ma rêverie et vois la nuit. Les cauchemars de mon enfance ressurgissent sans crier gare. Cette sensation de perdre pied, d’être en train de tomber dans un vide sans fin. Quel vertige !! Je préfèrerai sans doute quelques monstres. Je suis vraiment mal à l’aise. Heureusement, mes yeux éblouis par les dernières lueurs du jour, s’habituent. Le noir de la nuit laisse place à un bleu nuit plus doux. Puis, les étoiles apparaissent une par une. Le ciel est aussi limpide que l’autre jour, les nuages en moins. Je m’amuse à contempler les nébuleuses. Je ne m’y suis jamais suffisamment intéressé pour les connaître toutes. Je sais, néanmoins, que leurs noms sont ceux des dieux anciens, donnés, il y a fort longtemps. Devant une telle magnificence, il est normal que les savants antiques y aient vu le domaine des dieux.
Soudain, une ombre furtive vient de passer devant plusieurs d’entres elles. Je force mes yeux à percer la nuit. Rien. Je regarde vers ce qui me semble être le sol. Soudain, les faisceaux de recherches nocturnes s’allument. Nous sommes sur l’objectif « d’opportunité » ! Soudain, un avion est pris dans le filet d’un de ces faisceaux. Il continue, imperturbable. La DCA se déchaîne alors et le prend immédiatement pour cible. Les déflagrations sont terribles. Il me semble ressentir les vibrations de chaque explosion. Comme un papillon, la lumière m’attire et je ne peux tirer mon regard de cette tragédie. Les éclats se rapprochent irrémédiablement. Pourquoi n’essaye-t-il pas de s’échapper ? « Grimpe !! Vire !! Fais quelque chose, bon sang, tu vas te faire avoir !! » Comme si ma voix pouvait leur parvenir…
Un obus de 37mm le fait vaciller, un second, de plus petit calibre, déchire sa dérive. Un troisième éclate juste près du moteur qui commence immédiatement à cracher des flammes. Il perd de l’altitude et le déchaînement s’arrête. Doucement, le Vought penche sur l’aile et vire dans le néant. Le faisceau cherche alors une autre proie. Il ne subsiste plus alors qu’une longue trainée de feu se perdant dans la nuit. L’impact est violent, rien ne subsiste. Ils sont morts.
La vision d’horreur me glace les sangs. Instinctivement, je rentre la tête dans les épaules en me répétant « la prochaine est pour nous, la prochaine est pour nous… »
En effet, les éclatements se font plus pressants. La nuit est remplie d’éclatement divers. Les obus montent vers nous marqués par les traceuses qui permettent aux tireurs de corriger. C’est un vrai feu d’artifice mais nous sommes dedans… La litanie des petits calibres est assez énervantes, c’est le moins que l’on puisse dire. Les obus de 37mm, par contre, viennent rythmés les saccades des petits. Ceux-ci font peur. Un coup direct et nous devenons lumière…Au bout d’un temps de ce régime, que j’ai imaginé assez long mais qui n’a pas duré plus de quelques secondes, je me tourne vers l’interphone du bord et crie à René « Mais largue nos dragées ! Qu’est-ce que tu attends ! Tirons-nous d’ici ! Vite ! »
Sa réponse fuse aussi rapidement : « Regarde en bas ! Les ponts ! »
Je risque un œil en dehors de l’avion où l’enfer se déchaîne toujours. René a raison. Malgré la lueur aveuglante des traceuses, je distingue les longs serpents d’argent des rivières qui se dirigent vers la mer. Flessingue ne doit pas être bien loin, ses ponts non plus. René a dû les repérer, il commence sa descente comme si de rien n’était. Le souffle des explosions bousculent les plans du Vought mais René tient ses commandes fermement et ne laisse pas les embardées prendre le dessus. En me retournant, je les vois enfin, ses ponts. René compte bien faire comme hier. Il a enclenché son piqué à environ 700 mètres en visant les ponts. La procédure est longue et terriblement dangereuse car nous devons voler en ligne droite sans discontinuer. Lorsque l’objectif disparait sous le capot moteur, René redresse le nez et largue. C’est hasardeux, nous le reconnaissons tous mais à défaut d’avoir les outils adaptés, il faut faire preuve d’imagination…
Ca y est, la vue du sol se dégage vers l’arrière de l’appareil, signe, pour moi, que l’avion redresse et s’enfuit. Je ne m’intéresse guère aux impacts de nos bombes mais attend à tout instant celui qui viendra nous perdre. René ne louvoie pas, il a préféré accélérer pour semer les éclatements de DCA qui nous poursuivent un peu au hasard mais un hasard qui me parait bien heureux…
Enfin, d’un coup, nous retrouvons la tranquillité de la nuit. Les raies de lumière s’évanouissent peu à peu. Les traceuses disparaissent également. Un dernier projecteur poursuit encore une chimère. Il traîne avec lui les derniers servants d’un affût de canon qui poursuit sont tir. Soudain, il s’éteint. Les yeux ont d’abord du mal à s’habituer à la nuit mais mon regard reste fixé sur l’endroit où le faisceau pointait. A sa place maintenant, je distingue une nouvelle trainée de feu. Celle-ci ne monte pas, elle descend et disparaît dans les eaux d’une des rivières de tout à l’heure. Un nouvel équipage vient de disparaître. Y’a-t-il des survivants ? Combien d’entre nous ont été descendus ?
Nous avons eu la chance de passer, sommes-nous pour autant invincible ?
Le retour se passe dans une atmosphère cotonneuse. Je suis choqué. Je ne me souviens pas de l’atterrissage et un des mécanos doit venir me soulever pour m’extirper du cockpit. J’entends leurs voix. Ils parlent de blessé. Qui est blessé ? René ? Il me faut bien du temps pour me rendre compte qu’ils parlent de moi !
« Jean ! Jean ! Retourne parmi les tiens. »
« Valentine ? »
« Jean ! Jean ! Tu n’as pas le droit ! Reviens ! »
« René ? »
Une autre voix lointaine affirme que je n’ai rien, que je suis juste sonné. Lorsque j’émerge enfin, René me souhaite la bienvenue avec une grande tape dans le dos.
Chapitre 7 : 20 mai 1940, 9h30
« Tu m’as fait une de ces peurs, hier ! J’ai bien cru que tu étais blessé pour de bon ! »
C’est ainsi que René me réveille ce matin. Cette nuit, le médecin m’a vite ausculté. Je n’avais pas une égratignure : « juste choqué… » a-t-il dit simplement. Il m’a cependant donné un sédatif car l’excès d’adrénaline m’aurait sans doute fait passer une mauvaise nuit. Je me souviens m’être allongé, avoir fermé les yeux et puis, plus rien.
« C’est le p’tit Lulu et Gaston qui sont tombés hier soir… »
Je connaissais bien leurs mitrailleurs, Gilbert et Honoré. Gilbert était un garçon de la campagne. Dès son engagement, il a tout fait pour être virer dans l’aviation embarquée. Il était passionné d’aviation mais son faible niveau d’étude ne lui avait pas permis d’être pilote. Qu’importe, il était devenu mitrailleur, au moins volait-il. Il avait connu de multiples affectations sur de nombreux navires lui faisant faire ainsi plusieurs fois le tour de la Terre. Il avait côtoyé les gens de la Ligne et avait participé au sauvetage de plusieurs en difficulté au-dessus de l’Atlantique Sud. Il en parlait souvent. Son grand regret était de ne pas avoir pu, avec les autres, retrouver Mermoz lorsqu’il avait disparu à bord de la Croix du Sud. C’était un livre vivant malgré son langage un peu frustre. Il en avait vu des choses à travers le monde. Il était capable de raconter une anecdote dans chaque situation. Lorsqu’il commençait à dire « je m’souviens… », on était bon pour deux heures d’histoires…C’est qu’il aimait bien parler le Gilbert…je reverrai souvent sa bonne mine de bon vivant, ne refusant jamais un coup à boire ou un bon repas entre copains. Plus rien ne comptait alors, ni les filles, ni la Marine. Je ne lui connaissais pas de famille. Il volait, son rêve était comblé, la Marine était sa famille d’adoption et nous étions ses frères. Une vie pareille et finir aussi bêtement…
Honoré, lui, était plus secret. Sans doute issu d’une famille noble, il nous avait rejoints à Cuers assez discrètement, d’ailleurs. Il avait fait équipe avec Gaston et tout deux avaient formé une sacré équipe de débrouillards. Lorsque l’un d’entre nous avait besoin de quelque chose, il suffisait de leur demander et ils pouvaient dégoter n’importe quoi et, bien sûr, toujours au prix fort pour nos pauvres soldes de marin. Ce n’était pas de mauvais bougres, pas des voleurs, non, mais des commerçants hors pairs. Ils montaient des combines très complexes pour avoir ce qu’ils voulaient et cela réussissait toujours. Enfin, presque toujours, il y a bien eu quelques soucis parfois, des « clients » ou des « associés » mécontents des transactions mais, à l’abri de l’escadrille, ils ne risquaient pas grand-chose. Un soir, pourtant, Honoré s’était ouvert et avait raconté. Une enfance de richard dans une maison très bourgeoise, un père souvent absent dont on lui promettait la succession à la tête de l’usine familiale, des études brillantes qui lui avaient ouvert bien d’autres perspectives aventureuses et moins étriquées que ce qu’on lui destinait. Il aurait pu facilement devenir pilote (Gilbert devait sans doute lui en vouloir beaucoup, lui qui n’avait pas eu cette chance). Mais il étouffait tellement dans cette maison aux habitudes guindées, qu’il était prêt à tout pour y échapper. Il écrivit une lettre à sa mère et s’enfuit en pleine nuit sans se retourner. Il s’engagea le lendemain. Le goût de l’aventure le poussa tout naturellement vers l’aviation. Etre mitrailleur à bord d’un avion ne le gênait pas. Il pouvait laisser libre court à son esprit rebelle dans un cadre, malgré tout, assez rigide. Sans se l’avouer, il retrouvait la même rigidité paternelle dans la Marine, sans l’amour d’une famille, bien sûr, mais une amitié qui y confinait. Au final, il ne regrettait que sa mère à laquelle il envoyait parfois une lettre le jour de son anniversaire. Il n’aura jamais su si son père lui avait pardonné, jamais su si sa mère l’avait compris. On ne traite pas avec la Faucheuse impunément…
Si j’avais eu un fils, j’aurai prié pour qu’il me pardonne mes absences. J’aurai tout fait pour lui montrer à quel point je l’aimais. Et s’il était parti quand même, j’aurai eu des remords toute ma vie pour ne pas avoir su le retenir. Si j’avais eu un fils avec Valentine, il aurait grandi dans l’amour de sa famille. Je lui aurai appris les mille tours que mon oncle me montrait lorsque nous partions dans nos escapades matinales. Je lui aurai pardonné ses bêtises, l’aurai consolé en le serrant dans mes bras dès qu’il aurait eu un chagrin. Il aurait été quelqu’un de bien…
Chapitre 8 : 20 mai 1940, 12h30
L’atmosphère qui règne à Alprecht est très particulière en ce début d’après midi. René et moi venons de manger lorsque nous apprenons que quelque chose se prépare. On voudrait nous envoyer encore en mission ? Les nouvelles ne sont toujours pas bonnes. Les autres unités ont été décimées. Il ne reste plus guère de Loire à l’AB2, ils ont été sacrément secoués il y a deux jours en Hollande. Reste nos 10 avions. Nous ne sommes quand même pas les seuls !
Sur la route, nous voyons, désœuvrées, les premières unités qui fuient le front. Manifestement, le moral n’y est pas. Parmi eux, quelques civils pensent trouver leur salut à l’ouest. Nous apprenons que les allemands ont délaissé la prise de la capitale pour couper le retour du gros de l’armée parti sauver les belges et les hollandais. Pire, je pense qu’ils veulent plutôt parvenir à Dunkerque, le port principal, l’artère qui nous relie à nos alliés anglais. Nous en rencontrons aussi de nombreux qui nous disent qu’ils évacuent et retournent en Albion. C’est donc la fin ? Il me semble soudain que cette guerre est menée par des amateurs. Vers 14 heures, les équipages sont convoqués en urgence à la salle des cartes. Nous y apprenons que nous serons jetés avec nos avions sans viseurs dans l’abime. Pour nous accompagner dans cette mission pour le moins risquée, les quelques Loire survivants basés à Berck, ils sont sans doute plus à plaindre que nous…La bonne nouvelle est que nous serons couvert par une escorte de chasse. Les anglais ont donc encore quelques escadrilles en France…
La mission du jour est d’aller bombarder un pont qui semble vital pour la suite des opérations. Il se situe à Origny-Sainte-Benoite et traverse l’Oise. La mission est d’importance car elle doit permettre de stopper, au moins provisoirement l’avance des chars allemands. Cela donnera sans doute un peu d’oxygène à Dunkerque. Officiellement, il est question de réorganisation du front pour permettre aux soldats français d’établir une ligne qui contiendra la Wermarch. Un officier d’infanterie est venue spécialement d’on ne sait où pour nous exposer ces théories fumeuses et officielles d’un autre temps et surtout tout à fait irréalistes. Quand on voit l’indigence dans laquelle nous sommes, j’imagine bien les compagnies d’infanterie en bleu horizon et bandes molletières de 18 face aux chars allemands et aux Stuka. Je ne dis pas qu’ils ne sont pas courageux mais il ne faut pas être sorti de St-Cyr pour connaître le résultat d’un tel affrontement…Maintenant, je comprends tout à fait les files de soldats sur la route, ce matin. Si je suis capable, moi, pauvre mitrailleur, d’échafauder de telles idées, nous devons être plusieurs milliers à parvenir aux mêmes conclusions. Cela ne fait aucun doute.
Enfin, la messe est dite. Décollage à 16h30. Les avions seront gréés de la même manière que les jours précédents. Nous trainerons donc nos bombes de 150 kilos vers ce pont. Les Loire, plus lents, nous aurons précédé à 16h. Le rendez-vous avec les anglais est prévu assez tôt puisqu’ils doivent nous rejoindre à 16h45. René me regarde et me dit : « cela fait beaucoup de rendez-vous tout ça, on va bien en manquer un et pourvu que ce ne soit pas celui avec les Hurricane… ». Je hausse un sourcil approbateur et complice. Si c’est chacun pour soi, les Messer seront à la fête…
Les derniers ordres sont passés et nous sortons nous préparer. La tenue de vol est terriblement lourde. Elle n’a pas eu beaucoup de temps pour sécher depuis cette nuit. Il faut dire que ces combinaisons sont très chaudes mais que, dans le feu de l’action, nous y suons comme des damnés. Il commence à s’en dégager une odeur assez forte. Nous n’avons pas le choix, à l’altitude où nous volons, avec les « fenêtres » ouvertes, ce serait du suicide de ne pas les enfiler. Je prends un gilet de sauvetage, non pas que j’ai peur de me retrouver dans l’eau mais n’ayant plus de gilet pare balles, je n’ai pas trouvé mieux pour me protéger un peu. Protection bien illusoire, d’ailleurs… Je prends le casque de vol, protecteur, rigide et lourd. Les lunettes sont dessus. Je prends bien soin de les nettoyer car il ne faut pas qu’elles entravent le travail de mes yeux. Un avion encore lointain peut se cacher derrière une poussière (peut-être pas mais vous voyez bien la philosophie de l’affaire). Mes bottes fourrées sont également très chaudes et malaisées dans le cockpit du Vought. Elles me gênent la plupart du temps. S’il n’y avait pas ce froid, je volerai nu-pieds…
En sortant, nous passons au magasin pour récupérer nos parachutes. Un rapide tour d’horizon avec René pour vérifier que nous n’omettons rien dans nos préparatifs. L’ambiance est particulière. Les efforts consentis ces derniers jours ont été épuisants et je ne me rends pas compte que nous repartons. J’ai l’impression de vivre l’action de l’extérieur, par procuration. C’est très étonnant comme sentiment. En tout cas, elle me met mal à l’aise. Mauvais présage.
« Ne t’inquiète pas, je suis là » me susurre Valentine.
« Je sais, je sais mais je suis inquiet »
« Qu’est-ce que tu dis ? » me lance René
« Rien, je réfléchis à voix haute… »
Bon sang, ce n’est pas le moment d’entendre des voix, même celle de Valentine.
Nos avions sont plus ou moins prêts mais nous faisons confiance aux « graisseux ». Les pleins sont faits, les bombes sont chargées et bien arrimées. Rien ne gêne les parties mobiles. Le moteur est chaud. Tout est paré.
Le mécano m’aide à m’installer. Peut-être est-ce le même que la nuit dernière et qu’il a une certaine compassion pour moi. Il me sourit. « Faite attention à vous », finit-il par me lâcher. Ils rafistolent nos avions du matin au soir mais ils savent bien ce que nous avons faits ces derniers jours et, surtout, pourquoi nous l’avons fait. Risquer sa vie pour une cause perdue ne fait plus recette de nos jours. C’est bizarre. Pendant la Grande Guerre, ces actes d’héroïsme fou étaient légions. Les survivants, comme mon père, en sont certainement revenus amères. Ces massacres inutiles, ces tueries sans nom, ne pouvaient pas rester cacher dans l’inconscient collectif. Pourtant, le scandale n’a pas éclaté au grand jour. Il s’est immiscé lentement, d’abord avec un fort sentiment pacifiste, puis le peuple s’est tourné vers le social. Dame, les bourgeois avaient une dette importante envers les poilus. La guerre n’existait plus, le terme, même, était bannis. Pour le coup, le patriotisme exacerbé et dirigé vers l’allemand, aujourd’hui abattu, n’était plus de mise. Nous n’avons rien fait lorsque cette dernière a viré dans le national socialisme, rien non plus lorsqu’ils ont réarmé. Aucune réaction encore lors des annexions. La pilule est passée plus facilement en allant fanfaronner aux côtés des nazis à Munich.
Le résultat est catastrophique.
Allons, il faut penser à sauver ma peau. Je n’ai pas à payer pour des fautes que je n’ai pas commises.les armuriers ont vérifié mon arme, je n’ai pas eu le temps de la nettoyer. Je la regarde rapidement. Il ne s’agit qu’elle me fasse défaut lors du combat. Je m’assure également que les casiers à munitions sont bien garnis. Le mécano de tout à l’heure m’apporte un sac que je dois fixer à la mitrailleuse afin de récupérer les douilles vides. Il est bien temps d’y penser. Sommes-nous si performants qu’il faille recycler les cartouches ainsi. « Mais non, me répond-t-il, c’est juste pour éviter qu’elles ne tombent dans tout les sens si jamais vous deviez… » C’est encourageant…
La radio maintenant. Je branche les contacts et règle l’interphone sur la fréquence convenue. Je m’annonce à la voiture radio pour signaler que tout fonctionne bien. René lance son habituel « on y va » et tout de suite après, l’avion qui prend vie. Cet après midi, il me semble que l’hélice brasse plus longtemps qu’à l’habitude. Je voudrai tant que le moteur ne parte pas, que nous échappions à cet enfer une seule petite fois. Les vœux s’évaporent : l’essence commence à exploser dans les cylindres, lançant la ronde des vilebrequins. Un par un, ils s’élancent dans leur course habituelle. Un lourd nuage gris sort des échappements que seule l’hélice, dans son mouvement perpétuel, parvient à dissiper.
Après quelques minutes, René monte les tours, le moteur hurle et l’avion n’en peut plus d’attendre. Puis, il se calme et reprend un rythme plus supportable. Nous attendons la fusée rouge du départ. Les dix avions de l’escadrille sont prêts. Pas un ne manque à l’appel. Nos « graisseux » sont vraiment des as.
Quelques minutes encore et la fusée montent dans le ciel. Le chef d’escadrille Mesny est le premier à s’aligner. Puis, les autres le suivent. Nous décollons deux par deux. Nous sommes la dernière paire. Nous brinqueballons sur l’herbe tranquillement jusqu’à la piste. Tourné vers l’avant, je regarde René qui jette un regard au coéquipier. Un signe de la tête et nous partons. Le moteur se déchaîne dans un tonnerre mécanique assourdissant. Notre casque nous en protège à peine. Les secousses cessent lorsque les roues quittent le sol. Nous grimpons rudement pour rejoindre le groupe. Il est 16h30. Les Loire ont du partir bien avant nous vers l’objectif.
16h45, vingt paires d’yeux scrutent le ciel bleu sans nuages à la recherche de l’escorte.
16h55, il faut se résoudre à l’évidence, les Hurricane ne sont pas là et nous continuons seuls. Nous rattrapons et nous dépassons les Loire un peu plus tard. Nous ne pouvons nous permettre de les attendre et je les plains presque de passer après nous.
Je délaisse l’écoute de la radio qui ne fonctionne plus depuis notre décollage. Les nombreux soubresauts ont eu raison des diodes délicates de ces appareils. Je mets en fonction ma Darne et surveille le ciel. Limpide comme il est, il sera simple de repérer les avions ennemis par contre, nous ne pourrons plus nous cacher. Heureusement, j’aperçois quelques cumulus épars, un peu plus bas. Seront-ils assez épais pour nous protéger ?
Bon sang, les voilà ! Ils dégringolent du soleil, juste dans notre dos. Ils glissent comme un ban de poissons, rapides et carnassiers. Le chef bat des ailes et ils passent à l’attaque. Leur groupe se scinde en petits groupes de deux avions en l’espace de quelques secondes. Notre cohésion est notre seule défense. Dix mitrailleuses pointées vers les assaillants valent mieux qu’une.
Ils sont à portée maintenant. Nous lâchons tous des rafales dans leur direction. Ils tirent à leur tour. Mais, surpris par leur vitesse, ils n’ont pas le temps de corriger et les rafales se perdent en dessous. Ce sont des Messerschmitt 109. Ils passent en trombe sous notre formation, redressent, font un large virage dans l’azur pour s’aligner à nouveau. Nous savons tous qu’ils vont diminuer leur vitesse pour avoir le temps de corriger. Maintenant, ils savent que nous n’avons aucune couverture de chasse. La curée va commencer. Il n’en faut pas plus pour que le groupe se disloque. Chaque Vought se lance dans des directions opposées. Chacun a choisi son nuage, plus ou moins proche, en espérant qu’il ne sera pas suivi.
Nous plongeons et nous réfugions dans un cumulus que je croyais plus fin. Nous en ressortons assez rapidement. Le ciel est vide. Pas de Messer, pas de Vought, non plus. René reprend un cap pour rassembler sur les survivants. Au bout de dix minutes, n’ayant retrouvé aucun camarade, nous filons sur l’objectif. Nous y parvenons vingt minutes plus tard. René, manifestement, n’est pas tranquille. C’est une sale mission depuis le début. Il décide d’engager l’objectif directement et très bas, en espérant surprendre la DCA. Il tire la manette des gaz à fond et nous accélérons. Les bombes sont armées, il n’y aura qu’un passage… A cinq cents mètres des ponts, nous sommes découverts. Nous ne devons pas être les premiers, les servants sont aux aguets et tirent vers nous immédiatement. Une pluie d’obus nous arrive dessus. Il y a tout les calibres possibles et imaginables. Dans aucune des missions que nous avons effectuées, le déluge n’a été si terrible. L’avion tremble sous les éclatements.
Objectif à trois cents mètres. Bang ! Un obus éclate juste derrière nous et truffe le fuselage de nombreux impacts. Ca chauffe sérieusement. La condition des mitrailleurs dans ces moments là n’est vraiment pas confortable. Je suis le jouet des événements. Je ne puis même pas influencer le destin. Je regrette vraiment de ne pas être devenu pilote. Je ne peux que rentrer ma tête dans les épaules et espérer que mon gilet de sauvetage me protégera.
Objectif à 250 mètres, une rafale mieux ajustée traverse l’aile droite. Heureusement, ce n’est pas un gros calibre. L’entoilage de l’aile en souffre et se déchire sous l’effet du vent. En regardant les dégâts, j’aperçois un filet d’essence s’échapper des réservoirs.
Objectif à 150 mètres, l’enfer s’accentue, les pièces qui nous tirent dessus sont de plus en plus nombreuses. Les impacts sont aussi de plus en plus nombreux. Le fuselage résonne de ceux-ci de manière inquiétante. Une douleur vive et soudaine me vrille la jambe. Je suis touché ! Je regarde l’état de ma jambe qui saigne. J’attrape un chiffon qui trainait à côté de mon siège et me fait un garrot rapide pour stopper l’hémorragie.
Objectif à 100 mètres, un autre choc brutal me pousse en avant, je viens d’être touché à l’épaule. « René tirons-nous ! »
50 mètres, l’œil du cyclone, les tirs mollissent bizarrement mais ne cessent pas.
Largage !
René saute le pont à moins de 20 mètres. Les bombes explosent dans l’eau juste après le pont. Raté.
Les tirs de DCA nous encadrent un peu moins. Au loin, j’aperçois un autre Vought, ou peut-être un Loire, engager son attaque. Il passe au travers du barrage mais maintenant, nous sommes trop loin pour que je puisse voir ce qu’il en advient.
L’adrénaline commence à perdre de son effet, la douleur est de plus en plus grande. Il me faut pourtant rester attentif, car les Messer rôdent sans doute encore dans les parages. Nous volons vraiment en rase motte.
Les voilà, ils sont deux et nous ont retrouvé. Leur danse macabre commence et mes blessures ne me permettent pas d’ajuster ma défense. J’économise les munitions car je ne sais pas comment je pourrais changer de casier à munitions. Les obus de 20mm et les mitrailleuses lacèrent l’avion de manière systématique. Le moteur commence à cracher de la fumée, nous sommes cuits. Les flammes ne tardent pas à apparaître. Je regarde René, il se bat avec les commandes. Je vois qu’il va aller aux vaches. Dans un effort presque surhumain, je me remets dans le sens de la marche. Les allemands continuent de nous tirer.
Le choc est terrible et l’avion glisse sur 100 mètres. Le nez s’enfance dans le sol, la queue s’élève dans le ciel. Nous allons faire un cheval de bois ! Non ! Ne pas mourir écrasé… Un instant, l’avion s’immobilise, puis retombe soudain sur le ventre dans un bruit de tôle atroce. Dans cet amas, nos corps sont malmenés. Je relève la tête. Le silence soudain, est plus assourdissant encore que le bruit du moteur en furie.
René se dégage de son brêlage. Moi, je n’en ai plus la force. Dans une sorte de brouillard comateux, j’aperçois des impacts sur le sol. Le premier Messer fait une passe sur nous pour incendier l’avion. Il nous manque. Le second le suit et son tir est plus juste. Je sens dans le dos un coup violent.
Je ne sens plus grand-chose, en vérité. Les images défilent très lentement. René me crie dessus. Qu’est-ce-que j’ai fait ? Il me malmène, me redresse. Il détache ma ceinture ventrale et me hisse en dehors de l’avion. Tiens, étonnant, je ne voyais pas René aussi fort. Je retombe lourdement sur le sol. En tournant la tête, je vois le triste état de l’avion. La fumée l’entoure puis des flammes commencent à le lécher. René me traîne péniblement à l’abri du feu. J’ai envie de lui dire que ce n’est pas si terrible mais je n’arrive pas à articuler le moindre mot. Je ferme les yeux.
« Valentine ? »
« Je t’avais dit que je serais là. »
« Valentine, je voudrais te serrer dans mes bras. Maintenant, j’en ai besoin. J’ai un peu mal tu sais. »
« Ne t’inquiète pas, cela ne durera plus très longtemps maintenant. »
Je rouvre les yeux. Le souffle me manque comme si je courrais à perdre haleine sur une pente en descente. Je ne puis m’arrêter. Mon cœur va éclater à ce rythme. J’ai la force de prendre encore une bouffée d’air, juste une. Et, dans un dernier râle, je peux articuler un mot.
« Valentine ».
Epilogue. 9 janvier 1976
Jeanne est bien ennuyée. En rentrant de l’école, elle ne cesse de penser aux devoirs que vient de lui donner son maître. Passe encore les exercices de français et de math, mais celui concernant l’histoire semble non seulement très long à réaliser mais, en plus, très « ennuyeux ». Il faut demander à la personne de sa famille la plus ancienne ses souvenirs de la deuxième guerre mondiale. Il y a bien longtemps qu’elle n’a pas revu sa grand-mère. Sa mère lui téléphone parfois mais elle ne lui parle pas. Bref, elle va gâcher son week end avec cette affaire… En plus, ses parents ne lui laisseront rien passer, le premier trimestre ne s’est pas terminé sur de très bonnes notes…
Tout en cheminant, elle fait des calculs seulement dictés par son intérêt. « Voyons, quel âge à mon père ? », se dit-elle. Il a dû naître pendant la guerre. Voilà, c’est ce que je vais faire, je vais lui demander ses souvenirs de la guerre. Elle en était sûre, elle avait trouvé la solution à son épineux problème. La fin de semaine, finalement, s’annonçait plus sympa que prévu…
-« Papa ! J’ai un devoir à faire pour la semaine prochaine et tu peux m’aider. »
-« Je ne dois pas le faire à ta place, au moins ? »
-« Non, non, je dois t’interviewer. »
-« Bon, je t’écoute, alors… »
-« Je voudrais te demander tes souvenirs de la guerre. »
-« Laquelle ? »
-« Bin, la deuxième, celle de 40… »
-« Tu sais, je venais de naître, je n’ai pas de souvenirs, que ce qu’à pu me raconter ta grand-mère. »
-« Elle t’a raconté quoi ? »
-« Je crois que tu pourrais le lui demander, non ? »
Les craintes de Jeanne revenaient en avant, les copines ne pourraient pas compter sur elle…
Son père avait accepté d’amener Jeanne chez sa grand-mère. C’était l’occasion de venir la voir. Et les occasions, ces temps-ci n’étaient pas si courantes au grand dam du père de Jeanne qui travaillait trop et laissait la vie s’échapper sans qu’il ne s’en aperçoive. Sauf, parfois, lorsqu’il partait dans des rêveries sans fin. Sa mère lui avait toujours dit qu’il ressemblait à son père lorsqu’il était ainsi…
-« Bonjour, maman. »
-« Bonjour mes enfants, je suis si heureuse de vous voir. Mais pourquoi ne pas m’avoir prévenu, j’aurai préparé un repas pour vous recevoir ! »
-« Tu sais bien, maman, que je n’aime pas rester à table… »
-« Qu’est-ce qui vous amène, alors ? »
-« Jeanne doit faire un devoir et pour cela, elle doit te poser des questions. »
-« Et bien, je t’écoute, ma chérie. »
Jeanne aimait bien sa grand-mère. Derrière ses cheveux blancs, toujours soigneusement peignés, elle imaginait bien à quoi elle ressemblait lorsqu’elle était jeune.
-« Mamie, je voudrais que tu me racontes comment ça s’est passé pendant la deuxième guerre mondiale. »
La grand-mère baissa le regard. Elle tourna les talons et alla s’asseoir dans son fauteuil. Elle leva la tête vers la fenêtre et dirigea ses yeux dans le jardin. L’hiver touchait à sa fin. La terre, gorgée d’eau, avait pris cette couleur sombre, froide, qui était, finalement, un prélude au printemps. Un rayon de soleil perça et éclaira une partie du jardin.
-« c’est une histoire triste, tu sais ? »
-« je ne crois pas que la guerre soit une chose très gaie »
-« Ton grand père était marin. Je l’ai connu à Cuers, lorsque j’y habitais. A cette époque, j’étais heureuse, car j’avais trouvé un travail dans une usine. Là-bas, le soleil est toujours très chaud. Cela aidait bien à voir la vie sous un angle plus heureux. Le dimanche, nous allions au bal pour nous amuser. Les moments que nous préférions étaient les jours où nous savions que des militaires arrivaient en garnison à la base aérienne. Cela permettait de changer un peu des sempiternels cavaliers locaux…Lorsque j’ai vu ton grand père, j’ai su tout de suite qu’il n’était pas comme les autres. Il était mitrailleur. Puis, il a reçu un ordre de mission et, avec son escadrille, ils sont partis. Je lui ai écrit, il m’a répondu. La guerre a fini par arriver. Il y est mort sans savoir que j’attendais un enfant… »
-« Pourquoi ne pas lui avoir dit ? »
-« La peur de sa réaction, sans doute. A l’époque, on ne plaisantait pas avec ça et je ne voulais pas qu’il me rejette, moi et ton père. »
Visiblement, Jeanne s’ennuyait de l’histoire de sa grand-mère. Elle était somme toute assez banale. Cette façon d’agir énervait toujours son père au plus haut point. Mais à cet âge-là, il faut bien que jeunesse se passe. Il laissait couler la plupart du temps.
-« Tu es fatiguée maman, nous allons te laisser. Je te promets de revenir très vite. »
Perdue dans ses pensées, elle se rendit à peine compte de leur départ.
-« Bonjour, Valentine. »
-« Jean ? »
-« Oui, je t’attends depuis toutes ces années. Tu as été courageuse. Si j’avais su, je me serais battu. »
Une larme coula le long de sa joue qu’elle ne chercha même pas à essuyer.
« Jean… »
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
This is master job! Excellent! Congratulation!
Salut!
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
demon7 demon7 demon7 demon7
Ahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!!
chouette, chouette, chouette !!!
une magnifique réalisation, une plume extraordinaire, un concept génial !!!
le montage a été super, ce fut plaisant de te suivre !!
merci Philippe !
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Bravo c'est absolument superbe !
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Au début cela commence par quelques morceaux de plastique et finalement, tu nous offres un véritable petit bijou qui plus est, chargé d'émotions !!
Que dire de plus, sauf que c'est à pleurer !
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Paws a écrit:This is master job! Excellent! Congratulation!
Salut!
Merci bien, Paws, que l'on ne voit guère ces derniers temps par ici...
titelouze a écrit:demon7 demon7 demon7 demon7
Ahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!!
chouette, chouette, chouette !!!
une magnifique réalisation, une plume extraordinaire, un concept génial !!!
le montage a été super, ce fut plaisant de te suivre !!
merci Philippe !
C'est sympa, Titelouze, supporter des premiers moments...
J'aime bien l'histoire du concept (génial, je ne sais pas mais concept, oui). Pour une fois que je ne copie pas et que j'initie quelque chose, je suis assez content...
fanakit a écrit:Bravo c'est absolument superbe !
Merci Fanakit
wipeout a écrit:Au début cela commence par quelques morceaux de plastique et finalement, tu nous offres un véritable petit bijou qui plus est, chargé d'émotions !!
Que dire de plus, sauf que c'est à pleurer !
Merci Wipeout, tu sais à quel point j'apprécie ton avis...
Philippe
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Que dire...rien, il suffit de regarder !!!
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
je n'avais pas lu l'épilogue .............................. beau ,très
beau
et pour la maquette , que dis je l'oeuvre , bravo Philippe encore un splendide montage
Pierre
bon maintenant tu retourne au fiat ... allé hop!!
beau
et pour la maquette , que dis je l'oeuvre , bravo Philippe encore un splendide montage
Pierre
bon maintenant tu retourne au fiat ... allé hop!!
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
fourneau a écrit:je n'avais pas lu l'épilogue .............................. beau ,très
beau
et pour la maquette , que dis je l'oeuvre , bravo Philippe encore un splendide montage
Pierre
bon maintenant tu retourne au fiat ... allé hop!!
+ 1 !
pas mieux ...
Pierre
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
fourneau a écrit:Bon, maintenant tu retournes au Fiat ... Allez, hop!!
C'est gentil les gars !!
Euh, Pierre, je suis en vacances, là, je me ressource calmement...
A plus.
Philippe
Dakota 22- "Big Moustaches"
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Tres joli montage comme d habitude Phiphi et merci pour cette histoire
A+fredo
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Tiens, salut, Fredo, comment vas-tu ?
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Dakota 22- "Big Moustaches"
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Encore un petit bijou, bravo!
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Bonjour Dakota,
C'est une très belle maquette, que tu nous à encore fait là. La petite histoire d'accompagnement est super aussi, j'y ai laisser une larme à la fin.
A+ Remmert
C'est une très belle maquette, que tu nous à encore fait là. La petite histoire d'accompagnement est super aussi, j'y ai laisser une larme à la fin.
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Merci, Shime !!
Philippe
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Hello Dako !!!
Rien à dire sur le kit. Bon ok, si, plein de choses, mais rien d'original par rapport à ce que les copains ont déjà déversé de compliments plus que mérités !!
Pour l'histoire... L'idée du concept est excellente. Je n'ai pas accroché du tout à l'histoire et au ton. En revanche l'épilogue m'a beaucoup ému, touché. Curieux, non ?
Bravo encore et à très bientôt !!!
Olivier, critique et en fait le moins possible...
Rien à dire sur le kit. Bon ok, si, plein de choses, mais rien d'original par rapport à ce que les copains ont déjà déversé de compliments plus que mérités !!
Pour l'histoire... L'idée du concept est excellente. Je n'ai pas accroché du tout à l'histoire et au ton. En revanche l'épilogue m'a beaucoup ému, touché. Curieux, non ?
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
...j'étais pas encore intervenu sur le post parce qu'en fait je sais pas quoi dire ...ah si ..je vais me mettre au tricot ...
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Thanks, folks !!
(c'est pour diversifier un peu...)
Philippe
Ps : mercredi 21 avril, pas de doute, le 48ème fait recette...moins le 72ème. Pas un post depuis le 14 avril, une semaine entière sans message !!
...même, pas gentil...même pour dire qu'il est franchement laid que j'aurais du y mettre des pois roses...
Non, rien...
(c'est pour diversifier un peu...)
Philippe
Ps : mercredi 21 avril, pas de doute, le 48ème fait recette...moins le 72ème. Pas un post depuis le 14 avril, une semaine entière sans message !!
...même, pas gentil...même pour dire qu'il est franchement laid que j'aurais du y mettre des pois roses...
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Dakota 22- "Big Moustaches"
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Salut Dako !!
Mais si, on l'aime ton Vought !!
Tiens, j'ai même trouvé ça sur le net, pour illustrer une des missions de ton héros :
http://www.world-encheres.com/boisgirard/vo09032009/images/boisgirard_09032009-120.jpg
Trouvé un peu par hasard, certes...
Olivier, Dakophile
Mais si, on l'aime ton Vought !!
Tiens, j'ai même trouvé ça sur le net, pour illustrer une des missions de ton héros :
http://www.world-encheres.com/boisgirard/vo09032009/images/boisgirard_09032009-120.jpg
Trouvé un peu par hasard, certes...
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Ben oui quoi, alors bon, il est beau quoi..Typhoon67 a écrit:Salut Dako !!
Mais si, on l'aime ton Vought !!
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(et vive le 72 ! )
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Merci les gars, et à toi Typhoon pour cette belle image !!
Philippe
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
Hello philippe, tu fais du maquettisme holistique, mes félicitations pour l'ensemble de ton oeuvre. Bravissimo!
jean Barby- Fighterien confirmé
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Re: [Azur] 1/72 - Vought V-156F - Histoire de... (Vindicator)
jean Barby a écrit:Hello philippe, tu fais du maquettisme holistique, mes félicitations pour l'ensemble de ton oeuvre. Bravissimo!
Ne sommes nous pas les jouets d'un Grand Tout Universel, Mr Jean ?
La vision atomistique et nombriliste conduit à ne plus regarder devant soi et on finit toujours par se casser la g:"#°e...
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